Question sur les violences conjugales en période de confinement

Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 48 S (Q), 3 décembre 2020

Pellevat (Cyril), question écrite nº 14875 à la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations sur les violences conjugales en période de confinement [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 13 S (Q), 26 mars 2020, p. 1429].

Cyril Pellevat (© D.R.)

Cyril Pellevat (© D.R.)

M. Cyril Pellevat attire l’attention de Mme la secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations sur les violences conjugales en période de confinement.

En cette période exceptionnelle de confinement, les femmes victimes de violences conjugales sont particulièrement vulnérables en ce qu’elles se retrouvent désormais confinées avec leurs bourreaux. La Chine a notamment vu les violences au sein du couple exploser durant la période de confinement et il est fort probable que le même constat soit fait en France.

Afin de prévenir l’augmentation des violences et de protéger les femmes qui en sont victimes, je demande donc au Gouvernement de mettre en place un plan d’urgence à l’instar de ce qui a été mis en place en Espagne.

Diverses mesures peuvent être prises afin d’enrayer ce phénomène, telles que l’envoi d’une consigne à tous les services de police et aux services d’urgences pour leur rappeler les règles à appliquer en matière de prise en charge des victimes de violences ainsi que la mise en place d’un service d’alerte ouvert 24 h sur 24 par une messagerie instantanée permettant aux forces de l’ordre de géolocaliser la personne y ayant recours. Un renforcement des équipes du numéro de téléphone « violences femmes infos » (3919) afin que ces dernières puissent répondre à la totalité des appels qu’elles reçoivent ainsi qu’un soutien renforcé aux associations locales ayant des places d’hébergement seraient également bienvenus.

L’envoi d’une circulaire aux juges aux affaires familiales pour leur demander de privilégier la délivrance d’ordonnances de protection est de même plus que nécessaire. En effet, cela permettra d’éloigner le conjoint violent du domicile et d’éviter aux victimes de se rendre dans des centres d’hébergement qui manquent déjà de places et où le risque de circulation du virus est plus important qu’au domicile.

Enfin, le lancement d’une campagne nationale d’information et de prévention sur les violences au sein du couple en situation de confinement accompagné de la mise en place au niveau national d’une assistance psychologique, juridique et sociale en ligne permettrait une meilleure information des victimes ainsi qu’une meilleure prise en charge de ces dernières.

Il est urgent que ces mesures soient instaurées afin de protéger les victimes, c’est pourquoi il lui demande si un plan d’urgence reprenant ces divers mesures peut être mis en place dans les plus brefs délais.


Réponse du ministère chargé de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances publiée dans le Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 48 S (Q), 3 décembre 2020, pp. 5726-5727.

Élisabeth Moreno (© D.R.)

Élisabeth Moreno (© D.R.)

La période de crise sanitaire liée à l’épidémie Covid-19 a nécessité des mesures spécifiques en matière d’égalité entre les femmes et les hommes. Le confinement a ainsi donné lieu à la mise en place d’un Plan de lutte contre les violences conjugales afin de prévenir la hausse des violences intrafamiliales liées aux mesures de confinement. Lancé le 16 mars 2020, ce Plan a permis la mise en place très rapide de premières mesures interministérielles d’urgence. L’activité de la ligne d’écoute 3919 a été maintenue et adaptée aux circonstances et les écoutants ont bénéficié du matériel technique nécessaire pour exercer leur activité à distance. La connaissance de la plateforme de signalement des violences sexistes et sexuelles a été renforcée. Accessible via arretonslesviolences.gouv.fr, elle est disponible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 et permet de signaler des faits de violences à des policiers et gendarmes spécialement formés en la matière. Le 114, numéro d’alerte par SMS pour les malentendants, a été accessible pour le signalement de violences conjugales pour tous les publics depuis le 1er avril 2020. Le volume dossier a, depuis lors, été multiplié par trois. Afin de protéger les femmes en danger, la Garde des sceaux a également donné comme consigne aux juridictions de traiter en priorité les affaires de violences conjugales et de favoriser l’éviction du domicile du conjoint violent par la circulaire du 25 mars 2020. Ce premier volet a été complété le 30 mars 2020 par la mobilisation, sous l’égide du Ministère en charge de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances, d’une enveloppe d’un million d’euros pour financer des actions inédites. Cette enveloppe a, notamment, permis l’adaptation des moyens d’intervention des associations nationales et locales, afin de maintenir leur activité durant la période de pandémie ou leurs actions nouvelles liées à cette crise. Elle a aussi permis de financier [sic] des nuitées supplémentaires en hébergement ou en hôtel pour mettre à l’abri en urgence des femmes victimes de violences, ainsi que leurs enfants. Par ailleurs, un numéro national pour les auteurs de violences conjugales « Ne Frappez pas » a été lancé le 6 avril 2020. Ce numéro de prévention des violences conjugales est le premier dédié aux hommes violents. Cette ligne, financée par le Programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » est gérée par la Fédération nationale d’accompagnement des auteurs de violences (Fnacav). À titre exceptionnel et de manière subsidiaire au dispositif habituel, une plate-forme d’orientation consacrée à l’éviction du conjoint violent a été créée avec le soutien budgétaire du Ministère, gérée par le groupe SOS solidarités. Cette plateforme est saisie soit par le procureur de la République, soit par l’association ou le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) en charge des enquêtes sociales rapides, ou enfin par le juge aux affaires familiales ou son greffe. Entre le 6 avril et le 12 mai 2020, cette plateforme a permis d’héberger 69 auteurs de violences à l’encontre desquels une décision d’éviction avait été prononcées, essentiellement en hôtel. Aussi, en lien avec l’ordre national des pharmaciens, le ministère de l’intérieur et le Ministère en charge de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances ont mis en place un dispositif de signalement des violences conjugales dans les pharmacies durant la période de confinement. Des consignes ont été données aux forces de l’ordre pour intervenir en urgence dans le cas où une femme signalerait des violences, lors de son passage dans une officine. Pour compléter les ressources mises à disposition d’éventuelles victimes, le Ministère en charge de l’égalité entre les femmes et les hommes a soutenu l’ouverture de points d’information éphémères dans les centres commerciaux en activité et 40 seront prolongés jusqu’à la fin de l’année 2020. Dans le cadre d’un accord avec le groupe Unibail, qui met à disposition des espaces inoccupés à proximité des centres ou galeries commerciales, des espaces ont été mis à disposition des associations volontaires pour la tenue de permanences d’information. Dans le cadre de la LFR 3, 4 millions de crédits supplémentaires et exceptionnels ont été ouverts afin de pérenniser des dispositifs dans l’après-confinement : 3 millions d’euros seront destinés aux associations de terrain, locales notamment, pour mieux accompagner les femmes dans leur accès aux droits et leur insertion professionnelle, suite à la crise Covid-19 ; 1 million d’euros seront alloués à la pérennisation de la plateforme de recherche et de financement de solutions d’hébergement pour les auteurs de violences conjugales ayant fait l’objet d’une mesure judiciaire d’éviction de leur domicile ; enfin, un montant de 1,2 million d’euros issu de la levée de la réserve de précaution contribuera, d’une part à la pérennisation de la plateforme téléphonique d’écoute, d’orientation et de première étape vers un accompagnement psychologique des auteurs de violences conjugales, d’autre part à l’ouverture, dès 2020, de 15 centres de prise en charge psychologique et sociale pour les auteurs des violences conjugales, dont 2 en outremer. La pérennisation d’une quarantaine de sites dans des centres commerciaux qui couvriront la totalité du territoire est également en cours de finalisation. Cette poursuite de l’action est rendue possible grâce aux crédits prévus en LFR. Enfin, une mission d’évaluation de l’impact de cette crise sur les violences conjugales a été confiée à la Secrétaire générale de la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (Miprof), en lien étroit avec le Service des Droits des Femmes et de l’Égalité entre les femmes et hommes. L’objectif est, notamment, d’en tirer toutes les conséquences et de pouvoir anticiper les mesures à déclencher en cas de nouvelle situation de confinement.


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