Question sur le maintien du secret pour les interruptions volontaires de grossesse chez les mineures

Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 49 S (Q), 12 décembre 2019

Meunier (Michelle), Question écrite nº 8260 au Premier ministre sur le maintien du secret pour les interruptions volontaires de grossesse chez les mineures [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 50 S (Q), 20 décembre 2018, p. 6512].

Michelle Meunier (© Nicolas Nocet)

Michelle Meunier (© Nicolas Nocet)

Mme Michelle Meunier attire l’attention de M. le Premier ministre sur une problématique que les professionnels en orthogénie rencontrent régulièrement, celles des jeunes filles mineures hospitalisées pour une interruption volontaire de grossesse (IVG) alors qu’elles sont censées être en classe.

La loi permet à toute femme enceinte, quel que soit son âge, de demander l’interruption de sa grossesse. Pour les mineures, l’autorisation parentale est la règle, cependant, si la mineure veut garder le secret vis-à-vis de ses parents ou de son représentant légal, ou si le consentement n’est pas obtenu, l’IVG et les actes médicaux, notamment l’anesthésie, et les soins liés sont pratiqués à la seule demande de la mineure. Dans ce cas, la mineure se fait accompagner par une personne majeure de son choix. Cette jeune fille peut alors être hospitalisée pour une IVG alors qu’elle devrait être dans son établissement scolaire. Si cette absence est relevée par l’établissement, les parents peuvent être avisés très rapidement, via les logiciels de gestion de vie scolaire.

Cependant, si l’infirmière scolaire a été mise au courant de la raison de l’absence, elle peut bloquer l’envoi du message aux parents, via le conseiller principal d’éducation qui doit en aviser le chef d’établissement. Ce dernier peut ainsi choisir de couvrir ou non la jeune fille absente, en fonction de son éthique personnelle.

Cette procédure, à l’interface entre les réglementations sanitaire et de l’éducation nationale, est source de fragilité quant à l’exercice du droit à l’IVG. Elle peut conduire à des drames familiaux, entraver le recours à l’IVG, voire à la divulgation du secret au sein de l’établissement scolaire.

Les représentants professionnels des gynécologues obstétriciens ont saisi le défenseur des droits sur ce sujet qui mérite une clarification réglementaire.

Elle souhaite qu’il réunisse les ministres concernés afin d’élaborer une solution qui permette l’effectivité du droit à l’IVG chez les mineures et, le cas échéant, le maintien du secret à l’égard des parents.


Réponse du ministère des Solidarités et de la Santé publiée dans le Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 49 S (Q), 12 décembre 2019, p. 6161.

Agnès Buzyn (© UNAF)

Agnès Buzyn (© UNAF)

L’interruption volontaire de grossesse (IVG) est un droit de la femme, un droit humain. Ce droit, inscrit dans notre patrimoine juridique, est une question de liberté, de respect et de dignité des femmes. Il garantit l’accès à l’information, à des services de soins dédiés mais aussi à des interruptions de grossesse sécurisées, volontaires ou pour des raisons médicales. Pour les femmes mineures, l’IVG est prise en charge à 100 % et est anonyme. La feuille de soins remplie par le médecin et le relevé des remboursements transmis par l’Assurance maladie sont aménagés de façon à préserver la confidentialité de l’IVG réalisée. Aucune disposition du code de l’éducation ne prévoit des modalités spécifiques d’autorisation de sortie dans le cas d’une IVG. Le droit à l’IVG est un droit fondamental fixé par la loi nº 2001-588 du 4 juillet 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception qui ne peut être remis en cause par le chef d’établissement ou un autre membre du personnel, auquel cas ils s’exposeraient aux sanctions fiées à l’article L. 2223-2 du code de la santé publique. Par ailleurs, les dispositions légales reconnaissent à la mineure non émancipée le droit de garder le secret sur sa démarche d’IVG envers ses responsables légaux si elle est accompagnée par un majeur de son choix (article L. 2212-7 du code [de] la santé publique). Dans ce contexte, le chef de l’établissement paraît donc fondé à garder le silence sur une telle absence, dès lors que le personnel de santé l’aura dûment informé de ce que « l’élève est absente pour un motif médical dont elle est légalement autorisée à garder le secret », sans autre précision. Ainsi devraient être préservés à la fois le secret auquel est astreint le personnel de santé et le droit de l’élève à garder le secret sur sa démarche, vis-à-vis de ses responsables légaux. Ces modalités ont été explicitées par la direction des affaires juridiques du ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse et du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation dans sa Lettre d’information juridique nº 128 en octobre 2008.


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