Réforme des retraites : une réforme à haut risque pour les mères de familles

Communiqué de presse de l’Union nationale des associations familiales

Union nationale des associations familiales

Il est, enfin, question des droits familiaux à la retraite qui représentent 20 milliards d’euros, constituent 10 % de la pension de retraite des femmes, et concernent 14 millions de parents en charge d’enfant. Devant un projet de réforme complexe, l’Union nationale des associations familiales apporte un décryptage des mesures annoncées et demande que les familles ne soient pas perdantes. Pour lutter contre les écarts de retraite entre les femmes et les hommes, on ne peut pas courir le risque de réduire les droits bénéficiant aux femmes, mères de famille.

Pourquoi prendre en compte les enfants dans les pensions de retraite ?

Les droits familiaux visent à compenser les effets de la charge d’enfants sur le niveau de vie des retraités. En effet, l’arrivée d’un ou plusieurs enfants, entraîne une baisse de niveau de vie et des interruptions ou réductions d’activité qui affectent les carrières. Si les mères sont fortement impactées, c’est toute la famille qui subit la perte de niveau de vie et de capacité d’épargne. Les effets sur la vie professionnelle contribuent à réduire les montants de pension ou à repousser l’âge de départ à la retraite à taux plein. Ces droits familiaux sont intrinsèques à notre régime par répartition qui repose sur la dynamique démographique que ces parents ont assurée.

Il existe trois dispositifs complémentaires : la majoration de durée d’assurance (MDA), l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF), les majorations de pension pour les pères et mères de famille nombreuse (voir encadré). Ces droits jouent un rôle majeur dans la réduction des inégalités femmes-hommes en matière de retraites puisqu’ils bénéficient à plus de 70 % aux femmes et qu’ils représentent en moyenne plus de 10 % des montants de pensions des femmes.

Vers une profonde réforme des droits familiaux

Le système reposerait désormais sur deux dispositifs :

  • Des points « enfants » : cette bonification de 5 % des points acquis, par enfant élevé, accessible dès le premier enfant, remplacerait la MDA et les majorations pour famille nombreuse. Elle reste sur un modèle de proportionnalité (donc plus élevée si la pension est plus élevée). Avant les quatre ans de chaque enfant, les parents devront choisir si les points liés à cet enfant sont attribués exclusivement à l’un des deux parents ou si le couple se partage les points (2,5 % pour chaque parent en fonction du montant de la pension de chacun). Si le couple ne choisit pas, la mère obtiendra les droits par défaut.
  • Des points « interruption d’activité » se substitueraient à l’AVPF. Désormais, ces droits ne seront attribués que sur la période limitée aux 0-3 ans de l’enfant, sous conditions de perception de certaines prestations. Ils seront calculés sur la base de 60 % du SMIC au lieu de 100 % pour l’AVPF aujourd’hui.

Vrai/Faux du discours sur la réforme des droits familiaux

L’Union nationale des associations familiales demande que le volet « droits familiaux » fasse l’objet de plus de concertation et plus de transparence sur ses conséquences. Sa « publicité » repose sur la répétition de quelques cas types et d’éléments de langage systématiquement positifs, que la réalité dans la vie concrète des familles risque de démentir. Décryptage.

  • « Nouveauté : la réforme ouvre des droits pour les parents d’un ou deux enfants »
    Faux : ce n’est pas nouveau, la MDA bénéficie déjà aux femmes dès le premier enfant, avec un nombre de trimestres égal pour chaque enfant.
  • « La réforme favorise les familles d’un ou deux enfants au détriment des familles de trois enfants »
    Vrai : les familles de trois enfants vont voir leur bonification réduite et les mères seront privées de la MDA qu’elles utilisent de manière conséquente.
    Faux : les parents d’un ou deux enfants ne seront pas forcément gagnants, notamment du fait de la suppression de la MDA.
  • « La réforme rééquilibre les droits entre les femmes et les hommes »
    Faux : la diminution des droits des pères de familles nombreuses réduit le niveau de vie du couple (s’il n’est pas séparé) et diminue directement la pension de la femme en cas de veuvage puisque ces majorations entrent dans le calcul de la réversion. Il est donc très réducteur d’opposer les droits des mères à ceux des pères. De plus, aujourd’hui les droits familiaux bénéficient pour près de 70 % de leur montant directement aux femmes : supprimer la MDA et réduire l’AVPF affectera forcément les femmes qui en sont les bénéficiaires quasi-exclusives. Pire, la possibilité d’attribuer les « points enfants » à un seul des deux parents pourra totalement priver les mères de ces bonifications.
  • « La MDA n’est pas toujours utile aux femmes »
    Vrai : dans 20 % des cas les femmes, notamment celles qui ont des carrières complètes, arrivent à l’âge légal avec un nombre de trimestres suffisant.
    Faux : pour 80 % des mères, la MDA est actuellement « utile » et ce pourcentage augmente (85 % pour la génération 1970) du fait de l’augmentation de la durée requise pour obtenir une retraite à taux plein. Actuellement, dans 65 % des cas, la MDA fait augmenter la pension des bénéficiaires et dans 20 % des cas elle permet de partir plus tôt. La suppression de la MDA obligera les femmes à travailler plus longtemps ou à subir une baisse de leur pension.
  • « Une réforme pour plus de justice »
    Malheureusement non : l’AVPF a été créée pour les mères de familles nombreuses, de condition modeste, ayant eu de longues interruptions d’activité. La réforme proposée réduit ce dispositif pour les femmes : réduction de la durée et abaissement de la compensation à 60 % du SMIC.
    Pas sûr : par ailleurs, en quoi un système qui diminue les droits des familles nombreuses, au niveau de vie déjà réduit, est-il plus juste ?

Plusieurs points restent obscurs dans ce projet de réforme

  • Comment les parents pourront-ils arbitrer entre droit individuel et moyens financiers du couple ?
    En raison du maintien de la proportionnalité de la bonification, le couple a objectivement intérêt à attribuer les droits au parent qui bénéficie de la pension la plus élevée. Si le couple choisit, il aura souvent intérêt à attribuer les bonifications au père. La mère perdra alors tous ses droits. En cas de séparation, il lui faudra revendiquer ses droits à la retraite lors de la négociation avec ou sans juge. Si la complexité du système conduit au non-choix et à l’attribution automatique à la mère, le couple subira la plupart du temps une perte financière. Aujourd’hui, les femmes sont assurées d’avoir des droits (MDA et majoration en cas de famille nombreuse) : avec cette réforme elles pourraient tout perdre.
  • Quel serait l’impact de cette réforme sur l’enveloppe financière des droits familiaux ?
    Quel sera demain la masse financière consacrée aux droits familiaux ? Quel sera leur mode de financement ?
  • Qui seront les gagnants et les perdants de cette réforme ?
    Le rapport Delevoye ne présente qu’un nombre extrêmement réduit de simulations sur cas-types et toutes les configurations présentent des gains par rapport à la situation actuelle. Or, comme l’affirme le Haut-commissaire lui-même, de nombreuses situations occasionneront des pertes. Il est indispensable que la transparence soit faite sur le nombre et les profils (carrière, durée de cotisation, niveau de pension, nombre d’enfants, option choisie) des gagnants et des perdants.

Compte tenu du nombre de personnes concernées, des volumes financiers en jeu et des risques de perte, tous les scénarii et les conséquences sur la vie des familles doivent être mis sur la table de manière claire et transparente. La promotion de la réforme n’a jusqu’à présent reposé que sur les bonifications de pension. Aujourd’hui la question est de savoir comment le nouveau système compensera la suppression de la MDA qui bénéficie à toutes les mères dès le premier enfant. Le Premier Ministre a annoncé aujourd’hui la poursuite de la concertation avant de présenter son projet dans sa globalité : sur le volet des droits familiaux, l’Union nationale des associations familiales a demandé à le rencontrer.

Mieux comprendre les actuels dispositifs de droit familiaux
  • La majoration de durée d’assurance (MDA) : c’est l’attribution de trimestres d’assurance sans condition d’interruption ou de réduction d’activité, pour chaque enfant dès le premier et sans distinguer son rang. La MDA est divisée en deux : la MDA « accouchement » de quatre trimestres par enfant attribuée à la mère et la MDA « éducation » de quatre trimestres par enfant attribuée à la mère ou au père selon le choix du couple, sinon par défaut à la mère. La MDA bénéficie à 80 % des mères qui partent actuellement à la retraite, soit parce qu’elle améliore leur pension, soit parce qu’elle leur permet de partir plus tôt à la retraite. Dans les faits ce sont les mères qui en bénéficient. L’effet de la MDA sur la pension des femmes progresse avec leur nombre d’enfants et baisse avec le décile de pension de la femme.
  • L’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) : elle consiste en trimestres cotisés au niveau du SMIC, bénéficiant aux mères qui ont interrompu ou réduit leur activité pour élever un enfant ou aux femmes bénéficiaires de certaines prestations familiales, comme le complément familial qui peut être perçu jusqu’aux vingt ans de l’enfant, sur la durée de leur perception. Le dispositif est très complexe mais il bénéficie fortement à des mères de familles nombreuses ayant de longues périodes d’inactivité.
  • Les majorations de pension pour les pères et mères de famille nombreuse : c’est un supplément de 10 % du montant de la pension de chaque parent à partir du troisième enfant. Elles font l’objet d’une réversion en cas de veuvage. Elles bénéficient un peu plus aux pères qu’aux mères en raison des pensions en moyenne plus élevées des hommes.

L’Union nationale des associations familiales, institution engagée avec et pour les familles depuis 1945 est l’expert des réalités de vie des familles. Reconnue d’intérêt général, elle est le porte-parole officiel des familles auprès des pouvoirs publics. Elle représente et soutient les 18 millions de familles vivant sur le territoire français et défend leurs intérêts. Pluraliste, elle regroupe 70 mouvements familiaux et 6 500 associations familiales d’une grande diversité. Elle anime le réseau des unions départementales des associations familiales et unions régionales des associations familiales qui mènent des missions de représentation et de services aux familles dans chaque département et dans chaque région.


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