Clôture du Grenelle contre les violences conjugales

Édouard Philippe (© Guillaume Perrin)

Discours du Premier ministre Édouard Philippe

Mesdames et messieurs les ministres,

Mesdames et messieurs,

Silence, on cogne. En cette journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, le titre du livre d’Alizé Bernard et de Sophie Boutboul résonne d’un écho particulièrement lourd. Ce silence, c’est celui de la peur. De l’indifférence. Celui de la sous-estimation systématique d’actes pourtant très graves. Le silence de ceux qui ne veulent rien voir, ni rien entendre pour « ne pas avoir d’ennuis » ou « parce qu’ils ne veulent pas se mêler des affaires des autres ». Et puis, il y a nos silences, collectifs ceux-là, sur des dysfonctionnements dont nous n’avons pas jusqu’à aujourd’hui voulu prendre conscience.

Ce silence, ou plutôt ces différentes formes de silence, tuent. Elles continuent de tuer. Et la litanie macabre des féminicides s’allonge. Je souhaiterais avoir une pensée particulière pour Mme Sylvia Aucher qui a été tuée le 10 novembre dernier à coups de couteaux à Oberhoffen-sur-Moder dans le Bas-Rhin ainsi que pour Aminata décédée elle aussi sous des coups de couteau, ce 12 novembre, sous les yeux de ses enfants à Montfermeil.

Une des premières réussites de ce Grenelle a été selon moi, de briser cette chaîne du silence. Cela ne suffit pas, nous le savons, mais c’est indispensable. Pour libérer la parole des victimes et de leurs proches. Celle des associations. Celle aussi des institutions, des experts, des policiers, des magistrats qui ne disposent pas toujours des moyens, des réflexes ou des clefs pour répondre à ces situations.

Permettez-moi de saluer la publication le 17 novembre dernier, du rapport – glaçant – de l’inspection générale de la Justice sur les homicides conjugaux. Ce rapport pointe des dysfonctionnements majeurs. À toutes les étapes de la prise en charge des victimes. Il était important que ses conclusions soient publiques. Non pour pointer des responsabilités individuelles, mais pour regarder en face les ressorts d’une faillite collective. Je salue à cet égard l’esprit de responsabilité de la Garde des sceaux qui s’est engagée avec courage dans une démarche d’examen, d’introspection, s’agissant de l’institution dont elle à la charge, qu’aucun de ses prédécesseurs n’avait conduite.

Je voudrais également saluer le processus du Grenelle. Saluer les membres des onze groupes de travail. Les participants des 51 comités locaux d’aide aux victimes qui, à l’invitation des préfets et des procureurs, ont réuni dans toute la France des élus, des professionnels du droit, de la santé, du logement ainsi que des associations pour proposer des réponses qui s’adaptent à la réalité du terrain.

Je voudrais aussi rendre un hommage appuyé à Marlène Schiappa sans qui ce Grenelle n’aurait pas eu lieu. La politique, c’est du verbe mais c’est aussi de l’incarnation et de l’action. Marlène Schiappa a incarné cette action avec conviction, résolution et une maîtrise exceptionnelle. Je veux donc la remercier très sincèrement. Je voudrais aussi remercier tous les membres du Gouvernement parce que la détermination d’un seul peut compter mais que l’efficacité résulte d’une mobilisation collective. En sachant trouver les mots, en sachant incarner cette politique, je crois que Madame la secrétaire d’État a inspiré tous les membres du Gouvernement, lesquels se sont tous engagés. Ce qui est probablement un des éléments du succès de la mobilisation du Grenelle. En tout cas, c’est un élément qui tranche singulièrement avec la façon dont ces sujets ont été abordés jusqu’à présent. Ils sont aujourd’hui une politique gouvernementale d’ensemble.

Les discussions ont été riches ; elles ont été vives. Elles ont surtout été précises, pragmatiques, loin des postures idéologiques. Elles ont permis d’effectuer une radiographie en profondeur, un examen de conscience de notre société, sans complaisance. Le principal défi reste cependant devant nous. Ce défi, c’est celui de la constance. Une constance qui doit s’exercer à deux niveaux :

  • Au niveau de la mobilisation citoyenne et intellectuelle : je souhaite que les groupes de travail qui se sont réunis, continuent de le faire autant que de besoin. C’est déjà le cas d’un certain nombre d’entre eux, en particulier du groupe que pilote le ministère de la Justice.
  • Le second niveau de constance, c’est celui de l’exécution et du suivi des mesures. Les bonnes intentions ne suffisent plus.

Permettez-moi à cet égard d’effectuer un premier bilan de la mise en œuvre des mesures d’urgence que j’ai annoncées le 3 septembre. Des mesures qui ont bénéficié de la dynamique que vous avez insufflée à ce Grenelle.

Cette dynamique, c’est d’abord une hausse sensible des appels au 3919. Parce qu’il est mieux connu et donc plus utilisé. Depuis le Grenelle, le 3919 reçoit 600 appels par jour, contre 150 auparavant.

Dans la moitié des cas, vous le savez, les femmes qui appellent le 3919 demandent à quitter le domicile conjugal. Nous avons signé une convention entre le 3919, le 115 et le ministère du Logement pour cibler au plus vite les places d’hébergement. Et les mille nouvelles solutions de logement et d’hébergement que nous avions annoncées, seront bien ouvertes dès janvier 2020.

L’audit que nous avons lancé sur les conditions d’accueil des femmes victimes de violences a quant à lui déjà concerné 130 services de police et brigades de gendarmerie. Nous avons également contacté dans ce cadre 350 victimes. J’avais annoncé l’élaboration d’une grille unique d’évaluation du danger. Cette grille vient d’être finalisée. Nous la diffuserons dès aujourd’hui à toutes les brigades et à tous les commissariats.

De son côté, le Parlement a adopté à la quasi-unanimité, la généralisation du bracelet anti-rapprochement. Permettez-moi de saluer l’esprit d’union nationale qui prévaut sur cette question depuis le Grenelle. Un esprit qui doit perdurer jusqu’au bout du processus législatif pour que nous puissions déployer rapidement mille bracelets dès 2020. Un dernier mot concernant ce volet parlementaire : une proposition des députés Bérangère Couillard et Guillaume Gouffier-Cha entérinera, dès janvier 2020, le principe de la suspension automatique de l’autorité parentale pour le conjoint meurtrier ainsi que les possibilités d’aménagement par le juge pénal pour le conjoint violent. Là encore, nous modifions rapidement une partie des dispositifs légaux pour trouver des solutions et éviter le maintien de situations parfaitement choquantes.

Enfin, ont été désignés au sein du ministère public des juridictions de métropole et en Outre-mer, des référents. Les « chambres de l’urgence » sont en cours de déploiement. J’en rappelle la mission : assurer des circuits les plus courts possibles pour accélérer le traitement des procédures. Faire en sorte aussi que les procureurs, les juges aux affaires familiales et les juges des enfants travaillent de manière coordonnée. Et que des informations capitales ne leur échappent pas au moment de prendre une décision.

Ces mesures constituent un socle. Un socle sur lequel nous allons pouvoir construire grâce notamment aux quarante propositions du Grenelle que nous allons reprendre. Je ne les détaillerai pas toutes. Je voudrais revenir sur certaines d’entre elles qui peuvent créer l’électrochoc dont notre société a besoin. Ces mesures s’organisent autour de trois axes que je vais détailler.

Le premier axe vise à traiter les violences à la racine, dès le plus jeune âge, en misant sur l’éducation. C’est le regard de toute une société que l’on doit changer. La façon dont nous envisageons les rapports entre les hommes et les femmes. La façon dont nous envisageons la violence dans ces rapports. La dénonciation très tôt, systématique, de cette violence comme mode ne serait-ce qu’envisageable. Nous devons dire très tôt que cela n’est pas possible. Il faut que cela devienne une évidence. Je sais que lorsque l’on parle de l’éducation, tout le monde croit, et moi le premier, à la valeur cardinale de l’éducation dans cette transformation sociale. Mais tout le monde est aussi conscient de la lenteur de ces processus. Et parfois, nos concitoyens, fascinés ou effrayés par l’enracinement de comportements dans l’Histoire du pays et dans les profondeurs de la société doutent qu’une politique d’éducation soit susceptible d’obtenir des résultats rapidement. On ne va pas réussir à changer cela tout de suite. Quand la violence entre les hommes et les femmes est enracinée dans des comportements qu’on a vus chez ses parents, chez ses grands-parents, quand elle affleure dans toute une lignée familiale. Et nous savons tous que c’est parfois le cas. Peut-on vraiment espérer que la société dans son ensemble réussisse à contrecarrer cette malédiction, pour l’appeler ainsi ? Je le crois profondément. Nous avons beaucoup d’exemples qui nous montrent que si l’ensemble de la société envoie le même message à intervalles réguliers, au moment où c’est le plus important, sans jamais rien céder, sans jamais rien excuser, alors les comportements peuvent changer. Cela prend du temps, mais c’est un vrai beau combat social et politique. Simplement, il faut le faire pied-à-pied, ne rien lâcher. C’est aussi vrai dans telle ville que dans tel village. C’est aussi vrai dans telle région que dans tel département. C’est vrai partout, tout le temps. La violence ne peut pas être envisagée. La violence physique, la violence psychologique ne peut pas être envisagée avec un œil, ne serait-ce qu’éloigné, voire bienveillant. Ce n’est pas possible. Nous devons le dire. L’école doit le dire. Les associations doivent le dire. Tous les lieux de structuration des comportements sociaux doivent le dire, le répéter et s’en faire l’écho.

Pour aider ce mouvement dont je sais très bien qu’il est long mais possible, nous allons proposer aux enseignants une formation désormais obligatoire, durant leurs études puis de manière continue, sur l’égalité entre les filles et les garçons. On me dira aussi « mais enfin, les enseignants français, ils savent bien que les garçons et les filles sont égaux en droits et que la violence n’est pas bien ». Bien sûr. Tout le monde sait ça. Et c’est justement parce que tout le monde sait ça que nous obtenons les résultats actuels ? Qu’on a du mal, parfois, à comprendre l’expression d’une femme qui vient se plaindre dans un commissariat, au greffe d’un tribunal, dans une école ou parfois même dans un service de santé ? Ou dans une famille ? Bien sûr que tout le monde le sait. Mais il faut quand même enseigner des principes, des façons de l’exprimer, des façons de détecter ou de répondre. Cela fait partie d’un cursus de formation des enseignants que nous allons développer parce que nous pensons que c’est utile et précieux.

Nous demanderons également aux établissements d’organiser chaque année un conseil de la vie collégienne ou lycéenne sur l’égalité filles-garçons. Nous demanderons aussi que ce conseil soit l’occasion d’élaborer un diagnostic des relations entre les filles et les garçons dans l’établissement. Nous inclurons, en outre, un module de formation et de sensibilisation obligatoire aux violences conjugales, dans le cadre du service national universel.

L’institution scolaire peut nous aider à détecter les enfants victimes de violences ou qui sont les témoins de ces violences. Encore faut-il se poser la question. Encore faut-il avoir l’œil exercé. Encore faut-il savoir traiter l’information qui parfois, peut être donnée. C’est pourquoi, nous proposerons aux personnels des établissements un document unique de signalement pour faciliter leurs démarches.

L’enjeu, vous l’aurez compris, est d’éradiquer dans notre inconscient, tout ce qui peut nourrir le machisme ordinaire. Partout en France : en métropole ; mais aussi et en Outre-mer où les violences conjugales, on le sait, font des ravages et se reproduisent de génération en génération.

Le deuxième axe vise à garantir le plus haut degré de protection aux victimes et à leurs enfants.

L’exigence nº 1, c’est la réactivité. Dès les premières violences y compris psychologiques, chaque minute compte. Grâce à l’implication de la Fédération nationale solidarité femmes que je salue, il sera désormais possible de joindre le 3919, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. D’abord pour rompre la solitude de la peur. Puis, pour prendre les bonnes décisions au bon moment.

Nous créerons également d’ici 2021 80 postes supplémentaires d’intervenants sociaux dans les commissariats et les brigades. Ils sont 271 à l’heure actuelle ; ils constituent des maillons essentiels d’accueil et de première prise en charge de femmes qui déposent plainte.

Nous supprimerons certaines absurdités juridiques. Je pense à l’obligation alimentaire qui figure dans le code civil et qui contraint les enfants à subvenir aux besoins de leurs parents, donc de leur père, y compris quand celui-ci a assassiné leur mère. Nous allons donc le supprimer parce que cela n’a, je crois, pas véritablement de sens, si ce n’est de continuer à faire souffrir pendant des années ceux qui ont déjà eu le malheur d’avoir à connaître ces situations. La proposition de loi des députés Bérangère Couillard et Guillaume Gouffier-Chia demandera au Parlement de supprimer cette obligation dans ces situations.

Mieux protéger, c’est aussi porter un regard lucide sur certaines pratiques. Je pense aux médiations familiales qu’on propose comme alternative à des poursuites dans le domaine pénal ou comme alternative à une décision du juge aux affaires familiales en cas de séparation. Il ne s’agit pas de supprimer cette procédure qui a fait ses preuves dans le traitement de situations certes conflictuelles, mais non violentes. En revanche, dans les cas de violences conjugales, elle conduit parfois à faire durer, voire à aggraver une situation de violence. C’est pourquoi nous l’interdirons dans ces hypothèses.

Mieux protéger, c’est également mieux définir dans notre droit ce que recouvre le terme de « violences ». À la fois dans leur nature – physique et psychologique ; et dans toutes leurs conséquences.

Nous créerons une nouvelle circonstance aggravante pour les auteurs de violences dans le cas de harcèlement ayant conduit au suicide ou à une tentative de suicide. Et ce pour sanctionner plus lourdement les personnes à l’origine de ce qu’on appelle un « suicide forcé ».

Nous inscrirons aussi dans le code civil et dans le code pénal la notion « d’emprise ». L’emprise conjugale, c’est la prise de possession d’un membre du couple par l’autre. Une prise de possession qui s’installe de manière progressive et implacable, parfois sans que la victime ne s’en aperçoive. Et qui s’apparente à un « enfermement à l’air libre ». En le caractérisant dans la loi, on dit à ces femmes : « Vous n’êtes pas à l’origine de ce qui vous arrive. Vous en êtes les victimes. » Et on traite ainsi toutes les violences, physiques et psychologiques, étant entendu que la violence psychologique prépare souvent la violence physique.

Enfin, nous devons soulever la question difficile du secret médical que j’évoque avec beaucoup de retenue et de prudence. C’est un principe fondateur, au cœur de la confiance qui lie le patient à son médecin. Et ce principe, qui prévoit des exceptions en nombre très réduit, nous devons évidemment le préserver et le respecter.

Nous avons cependant tous en tête l’exemple de cette femme, que cite le rapport de l’Inspection générale de la Justice, qui s’est rendue à dix reprises aux urgences entre 2005 et 2014, dont quatre fois durant la même année. Son cas n’est hélas pas isolé.

C’est pourquoi, nous devons, lorsque cela peut sauver des vies, offrir la possibilité aux médecins de déroger au secret médical. Je souhaite que cela concerne des cas très stricts, encadrés : les cas d’urgence absolue où il existe un risque sérieux de renouvellement de violence. Les modalités concrètes de cette levée de secret médical ont déjà commencé à être concertées avec les professionnels, en particulier avec l’ordre des médecins. Cette concertation va se prolonger afin que nous puissions aboutir à un dispositif protecteur des victimes et sécurisant pour les professionnels. La ministre de la Santé rencontrera le président du Conseil de l’Ordre des médecins pour finaliser le dispositif. C’est une discussion sensible, délicate, mais dont nous considérons que si elle permet d’aboutir à un dispositif sur lequel s’accordent les professionnels, nous aurons là un instrument qui permettra sans aucun doute d’alerter très efficacement et de ne pas, consciemment ou inconsciemment, fermer les yeux ou garder pour soi une alerte qui, transmise, aurait pu éviter des drames.

J’en viens maintenant au troisième axe autour duquel ces mesures s’organisent. Cet axe aborde une question également difficile. Je veux parler du suivi et de la prise en charge des auteurs des violences.

Longtemps, cet aspect a été mis de côté. Parce que l’urgence commandait – et commande toujours – de protéger les victimes. Et parce qu’il n’était pas toujours politiquement correct d’affirmer que les auteurs de violences contre les femmes ont besoin d’un suivi psychologique, psychiatrique ou d’addictologie. Nous ne sommes pas là pour apporter une réponse « bien pensante », mais complète. Et efficace ! Parce que derrière ce sujet, se trouve celui de la prévention de la récidive.

Le temps est donc venu, me semble-t-il, d’ouvrir un nouveau pan de l’action publique : celui de la prise en charge des auteurs.

D’abord en réalisant des évaluations médico-psycho-sociales des auteurs de violences dès la phase de l’enquête pour les orienter le plus vite possible vers les dispositifs et les spécialistes adaptés au traitement des causes de cette violence. Les comités locaux ont identifié des expériences encourageantes à Saintes ou à Clermont-Ferrand. Je pense aux groupes de paroles qui semblent fonctionner pour les auteurs les plus immatures ou aux mesures d’éviction avec un accompagnement adapté. Le Grenelle a permis de recenser un grand nombre d’initiatives locales très efficaces. Il appartient à l’institution judiciaire de s’en saisir pour nourrir ses décisions. Nous voulons nous appuyer sur ces initiatives.

Mais l’institution judiciaire ne peut pas tout traiter. C’est pourquoi, nous allons lancer un appel à projets pour que deux centres de prise en charge des hommes violents voient le jour dans chaque région. Ces centres permettront de suivre psychologiquement l’auteur de violence et donc d’offrir la possibilité à sa victime de demeurer à son domicile, si elle le souhaite bien sûr. Car après tout, ce devrait être à l’auteur des violences de partir, non à sa victime.

Enfin, nous expérimenterons de nouveaux dispositifs pour contraindre plus fortement les auteurs de violence qui sont alcooliques à se soigner dans un contexte où l’alcool est présent dans 30 à 40 % des cas de violences conjugales.

Un dernier mot sur la question des moyens. C’est une critique que l’on voit souvent fleurir. C’est une question qui est régulièrement posée. J’ai eu l’occasion un jour d’exprimer en la matière le refus d’un fétichisme du chiffre. Bien souvent, on compare la situation de la France avec celle de l’Espagne, où le Gouvernement va allouer un milliard d’euros sur cinq ans – soit 200 millions d’euros par an – à la lutte contre les violences faites aux femmes. Je ne veux pas entrer dans une concurrence stérile et, in fine, assez indécente, mais juste présenter les chiffres tels qu’ils sont dans notre pays.

D’abord, le Gouvernement consacrera l’année prochaine plus d’un milliard d’euros à l’égalité entre les hommes et les femmes. Dans le cadre de cette somme, nous dédierons 360 millions exclusivement à la lutte contre les violences faites aux femmes. Plusieurs ministères contribuent, ce qui ne facilite sans doute pas la lisibilité de ces moyens : parmi les principaux contributeurs, on retrouve le ministère de l’Intérieur à hauteur de 220 millions, le ministère du Logement à hauteur de 90 millions et le ministère de la Justice qui mobilise 10 millions d’euros.

J’ajoute que ces crédits ne tiennent pas compte des dispositifs qui vont bénéficier aux victimes de violences, comme les « espaces rencontres », ces lieux neutres qui permettent aux parents d’échanger les enfants dans les cas de violences conjugales. Des lieux auxquels nous allons accorder, parce qu’ils fonctionnent, un financement complémentaire de 30 millions d’euros d’ici la fin du quinquennat.

Les financements sont donc là. Ils sont massifs. Ils bénéficieront aux victimes et à tous ceux qui leur portent assistance. Il ne manque pas d’argent. Cette politique publique est faite d’une prise de conscience générale, qui ne relève pas seulement du Gouvernement mais qui relève du travail admirable mené par les associations et toutes celles et ceux qui veulent à un moment porter ce combat. Prise de conscience, mobilisation de moyens publics et non-publics et financements. L’ensemble des conditions sont réunies pour que cette politique publique puisse produire un effet.

« Dommage ». Si vous avez comme moi des ados à la maison, vous connaissez peut-être cette chanson du duo de rap français Bigflo et Oli. Son dernier couplet raconte l’histoire de Pauline. Pauline, je cite, « Elle est discrète, elle oublie qu’elle est belle / Elle a sur tout le corps des taches de la couleur du ciel / Son mari rentre bientôt, elle ne veut même pas y penser / Quand il lui prend le bras, c’est pas pour la faire danser » (…) « Après la dernière danse, elle s’est pas relevée ». Et de conclure : « On a tous dit, ah c’est dommage, ah c’est dommage ». Eh bien, avec ce Grenelle, notre société affirme, exige même qu’il n’y ait plus de femmes « avec des taches de la couleur du ciel sur la peau ». Et surtout qu’on ne veut plus jamais entendre ce « ah c’est dommage ».

Alors, je sais qu’il sera toujours facile de désigner quelqu’un lorsqu’il y aura à l’avenir un nouveau « ah c’est dommage ». Ce sera parfois un « ah c’est dommage » enragé tellement nous sommes en colère de ce genre de féminicides qui se répètent. Et on pourra toujours désigner, ici ou là, la société qui n’a pas fait son travail, l’État qui aurait failli. Je préfère me concentrer, pour ma part, sur ce que nous faisons et sur ce que nous devons faire. Mobilisons l’ensemble de la société. Actionnons l’ensemble des leviers à notre disposition dans tous les domaines de la politique publique. Je voudrais ici saluer, les représentants des collectivités territoriales. À l’occasion du dernier Congrès des maires, des conventions ont été signées avec les représentants des maires de France. Lorsque je parle de la mobilisation de l’ensemble des leviers publics, je pense aux leviers publics de l’État, aux collectivités territoriales, aux groupements d’hommes et de femmes qui œuvrent en essayant d’atteindre l’intérêt général. Ce n’est pas toujours facile. Mais tous ces leviers doivent être mobilisés. Il est question ensuite des financements, qui sont au rendez-vous, afin que nous puissions avoir les moyens d’une politique publique complète.

Nous ne voulons plus entendre « ah c’est dommage ». Nous allons par une mobilisation complète de la société obtenir des résultats et faire changer les comportements. Notre pays l’a fait dans des domaines bien différents et cela semblait aussi difficile.

Nous pouvons le faire. Nous allons le faire et ce grâce à vous.

Je vous remercie.


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