Question sur l’accès aux accompagnants d’élèves en situation de handicap pour les élèves scolarisés en école libre

Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 41 S (Q), 17 octobre 2019

Dumas (Catherine), Question écrite nº 10404 au ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse sur l’accès aux accompagnants d’élèves en situation de handicap pour les élèves scolarisés en école libre [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 20 S (Q), 16 mai 2019, pp. 2577-2578].

Catherine Dumas (© D.R.)

Catherine Dumas (© D.R.)

Mme Catherine Dumas attire l’attention de M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse sur le refus d’attribution d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) à tout jeune en situation de handicap scolarisé dans une école indépendante. Elle informe que d’après les données de la fédération des parents des écoles indépendantes (FPEEI), 1 600 enfants scolarisés dans une école indépendante ont reçu en 2018 une notification d’attribution d’un AESH par la maison départementale des personnes handicapées (MDPH). Elle précise que, malgré cela, le rectorat s’est opposé à l’attribution d’un AESH pour l’ensemble de ces jeunes. Elle indique qu’in fine, parmi les 1 600 enfants, 1 000 ont bénéficié d’un accompagnateur bénévole ou rémunéré grâce à la solidarité des proches ; pour les 600 autres jeunes, faute de pouvoir bénéficier d’AESH, les parents furent contraints de renoncer à leur intégration scolaire dans une école ordinaire – que celle-ci soit publique, privée ou indépendante. Elle rappelle que fort de ce constat, trente-huit sénatrices et sénateurs ont cosigné un amendement au projet de loi pour une école de la confiance visant à rendre les enfants scolarisés en école libre éligibles au bénéfice d’un AESH [1]. Elle souligne que le gouvernement a argué lors des débats en séance publique lors de la première lecture du projet de loi à l’Assemblée nationale qu’il s’agit d’une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel – laquelle dispose qu’il n’est pas loisible à l’État d’accorder aux établissements scolaires hors contrat des ressources publiques [2]. Elle précise que si une telle jurisprudence est bel et bien établie en ces termes, il ne semble pas qu’elle soit applicable en l’espèce. En effet, dépassant les clivages ordinaires sur la question de la liberté de l’enseignement, le bénéfice d’un AESH est un droit intuitu personæ ; en d’autres termes, l’enfant en situation de handicap est le seul bénéficiaire de ce droit à l’attribution d’un AESH – et ce, indépendamment de sa situation personnelle, familiale ou du type d’établissement qu’il fréquente. Elle conclue [sic] que la subordination de l’attribution concrète d’un AESH à la nature de l’établissement scolaire où est inscrit l’enfant prétendument bénéficiaire revient donc à pénaliser ces 1 600 jeunes en raison d’un choix vraisemblablement parental. Plus encore, cela vient creuser encore davantage l’écart entre les zones dûment équipées en service public scolaire et celles où c’est l’enseignement indépendant qui propose, seul, une solution aux parents. Enfin, il convient de souligner ceteris paribus que la taille humaine – voire familiale – de bien des écoles libres est propice à l’inclusion scolaire des jeunes en situation de handicap.

Elle précise que par le jeu de l’article 40 de la Constitution, il n’a pas été possible pour les parlementaires de se saisir de la question à la faveur d’un amendement au projet de loi nº 474 (Sénat, 2018-2019) pour une école de la confiance. Elle demande donc au Gouvernement – seul habilité à agir en l’espèce – s’il entend porter une telle mesure de justice sociale et de protection de l’enfance en permettant aux enfants scolarisés dans des écoles hors contrat de bénéficier d’un AESH.


Réponse du ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse publiée dans le Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 41 S (Q), 17 octobre 2019, pp. 5286-5287.

Jean-Michel Blanquer (© Jérémy Barande)

Jean-Michel Blanquer (© Jérémy Barande)

Le service public de l’éducation veille à l’inclusion scolaire de tous les enfants, sans aucune distinction, comme le prévoit le code de l’éducation (article L. 111-1). C’est pourquoi, dès lors que la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées constate que la scolarisation d’un enfant en situation de handicap requiert un accompagnement humain, le recrutement adéquat peut être effectué conformément aux modalités prévues par l’article L. 917-1 du code de l’éducation, quand cette scolarisation s’effectue au sein du service public (article L. 351-3 du même code). Conscient toutefois que la scolarisation des enfants en situation de handicap doit encore progresser, le Gouvernement a engagé depuis deux ans une nouvelle étape dans la réalisation d’une école pleinement inclusive et mobilise à cet effet d’importants moyens humains, financiers et matériels. Ainsi, la diversification des modes de scolarisation est assurée grâce à la création d’unités localisées pour l’inclusion scolaire (ULIS) et d’unités d’enseignement externalisées (UEE) au sein des écoles, l’objectif étant de créer 250 ULIS sur la durée du quinquennat et de doubler le nombre des UEE d’ici 2020. S’agissant en particulier des postes d’accompagnants, le Gouvernement a pris la décision de ne plus adosser leur mission à des contrats aidés précaires mais de recruter un nombre toujours croissant d’AESH, personnels sous contrat de droit public. Après 6 000 créations d’emplois en 2018, 4 500 nouveaux recrutements directs sont prévus à la rentrée 2019, cette tendance étant renforcée par la mise en œuvre d’un plan de transformation de contrats aidés « parcours emplois compétences » (PEC) permettant d’obtenir 6 400 emplois supplémentaires d’AESH à chacune des rentrées scolaires 2018 et 2019. Par ailleurs, les conclusions de la concertation nationale « Ensemble pour une école inclusive », lancée à l’initiative du Gouvernement à l’automne 2018, ont été prises en compte par la loi nº 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, dans le sens du renforcement du droit à l’éducation des enfants en situation de handicap. Ces conclusions ont en outre incité le Gouvernement à mettre en place, à compter de la rentrée 2019, un grand service public de l’école inclusive, afin de faire face à l’augmentation constante de la scolarisation d’élèves en situation de handicap et de transformer en profondeur leur accompagnement. Les efforts sont considérables, mais ils sont indispensables pour respecter la loi et pour le bien de ces enfants, comme de leurs familles. Ils permettront de faire encore baisser le nombre d’enfants dont les familles renoncent à une intégration scolaire dans une école ordinaire, notamment en proposant ce service aux parents de la manière la plus large. Pour scolariser leur enfant en situation de handicap, certaines familles choisissent de se tourner vers des établissements d’enseignement privés qui ne sont pas liés au service public de l’éducation par un contrat, qualifiés d’établissements « hors contrat ». Or, si le Conseil constitutionnel a effectivement précisé (décision nº 93-329 DC du 13 janvier 1994) que la loi peut prévoir que les collectivités publiques apportent une aide financière à toute catégorie d’établissements scolaires privés, il a aussi indiqué que ces dispositions législatives devaient être conformes au principe d’égalité devant les charges publiques : il a notamment souligné la nécessité d’éviter toute situation aux termes de laquelle un établissement d’enseignement privé se trouverait placé dans une situation plus favorable que celle des établissements d’enseignement public, au regard des charges et des obligations de ces derniers. Ainsi, la loi ne prévoit pas que le service public de l’éducation participe à la scolarisation des enfants inscrits dans des établissements privés qui ne sont pas liés à ce service public.

Notes de P@ternet
  1. Nous n’avons pas trouvé trace de cet amendement sénatorial, qui pourrait être la reprise de l’amendement nº 155 et/ou de l’amendement nº 299, respectivement déposés à l’Assemblée nationale les 5 et 6 février dernier, et rejetés lors de la troisième séance du jeudi 14 février.
  2. Troisième séance du jeudi 14 février.

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