Question sur les conditions de la garde à vue

Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 29 S (Q), 18 juillet 2019

Lherbier (Brigitte), Question écrite nº 9801 au ministre de l’intérieur sur les conditions de la garde à vue [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 14 S (Q), 4 avril 2019, p. 1774].

Brigitte Lherbier (© D.R.)

Brigitte Lherbier (© D.R.)

Mme Brigitte Lherbier attire l’attention de M. le ministre de l’intérieur sur les conditions de la garde à vue.

La garde à vue s’apparente souvent à une épreuve et peut s’avérer traumatisante pour ceux qui la subissent, tant les conditions de détention peuvent sembler particulièrement spartiates : étroitesse des cellules, mauvaises odeurs, bruit, saleté et vétusté des matelas et des couvertures, impossibilité parfois de garder ses lunettes ou de faire ses besoins primaires pendant de longues heures, cellule couverte de vomi, d’excréments, d’urine…

Si la garde à vue est une procédure efficace pour poursuivre une enquête impliquant la présence de la personne concernée, elle doit s’effectuer dans des conditions respectant la dignité humaine qui est un principe à valeur constitutionnelle.

Elle lui demande par conséquent les mesures que le Gouvernement entend prendre afin de concilier la procédure de la garde à vue avec le nécessaire respect de la dignité humaine.


Réponse du Ministère de l’intérieur publiée dans le Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 29 S (Q), 18 juillet 2019, pp. 3889-3890.

Christophe Castaner (© LeCardinal)

Christophe Castaner (© LeCardinal)

L’article 63-5 du code de procédure pénale issu de la loi nº 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde-à-vue stipule expressément que « la garde à vue doit s’exécuter dans des conditions assurant le respect de la dignité de la personne ». À ce titre, l’officier de police judiciaire (OPJ), en charge d’une mesure de garde à vue, est le premier garant du respect des droits de la personne privée de liberté. Les mesures de garde à vue ainsi que les lieux dans lesquels elles se déroulent font l’objet d’un suivi et de contrôles opérés par les autorités hiérarchiques et judiciaires mais également par des autorités administratives indépendantes tel que le contrôleur général des lieux privatifs de liberté. Le Parquet assure un contrôle du déroulement de toutes les mesures de garde à vue, soit à distance, soit sur place, et visite de façon périodique les locaux afin d’en vérifier le bon état ainsi que la tenue rigoureuse des registres de contrôle imposés par l’article 64 du code de procédure pénale. Concernant la gendarmerie nationale, une note-express nº 22531 du 29 avril 2016 relative à la « surveillance des personnes placées en chambre de sûreté dans les locaux de la gendarmerie nationale » précise que le commandant d’unité doit « viser et contrôler la bonne tenue du registre des gardes à vue et du cahier des rondes ». Au quotidien, la hiérarchie assure une mission de contrôle des unités subordonnées. Une grille d’auto-contrôle est en outre réalisée tous les semestres par les commandants d’unités élémentaires dans laquelle ces derniers précisent la régularité des vérifications opérées sur les registres et les cahiers de surveillance des gardes à vue. L’inspection générale de la gendarmerie nationale réalise chaque année une campagne d’évaluation des gardes à vue réalisées dans les unités. Durant l’année 2018, 432 unités de gendarmerie départementale ont fait l’objet de contrôles inopinés. Dans son rapport d’activité 2018, le contrôleur général des lieux de privation de liberté mentionne, à propos des unités de gendarmerie, que « dans la plupart des visites réalisées les locaux sont bien entretenus dans les unités de petite taille » et que « des zones judiciaires bien équipées, y compris de douches, existent dans des locaux très récents conçus pour des unités de taille importante ». Enfin, cette autorité souligne que « le caractère humain de la prise en charge dans les unités de gendarmerie marque la plupart des unités ». D’un point de vue immobilier, la gendarmerie nationale a fait évoluer ses normes internes en matière de construction de locaux spécifiques dédiés à la pratique de la police judiciaire en 2008, mais avait déjà intégré depuis 2000 une superficie minimale des chambres de sûreté de 7 m2. De plus, les chambres de sûreté sont chauffées par le sol depuis 1993. En cas de panne, les gardes à vue sont délocalisées sur d’autres sites. Enfin, il convient d’indiquer que les chambres de sûreté jugées impropres à l’usage dans des infrastructures plus anciennes sont systématiquement déclassées et neutralisées par les autorités locales de la gendarmerie. Pour ce qui concerne la police nationale, et conformément l’instruction du 11 mars 2003 du ministre de l’intérieur relative à la garantie de la dignité des personnes placées en garde à vue, un « officier de garde à vue » est chargé de contrôler au quotidien les conditions de déroulement des gardes à vue. Cette instruction fixe également d’importantes règles pour garantir des conditions matérielles dignes et respectueuses des personnes. Elle prévoit notamment que les personnes gardées à vue doivent bénéficier de repas chauds, aux heures normales, et que les cellules sont maintenues dans un bon état de propreté par des nettoyages quotidiens. Ces prescriptions sont suivies avec attention dans les commissariats. Un matelas et une couverture de survie à usage unique sont mis à disposition dans chaque cellule. Le nettoyage des cellules de garde à vue est assuré par une société privée sous contrat avec l’administration. D’un point de vue immobilier, s’impose désormais pour l’aménagement des sites la prise en compte des dispositifs prévus par la loi du 14 avril 2011 précitée (par exemple présence possible de l’avocat lors des auditions, qui impose l’aménagement de locaux spécifiques). Tous les projets immobiliers de la police nationale (construction neuve, restructuration, etc.) intègrent désormais les prescriptions de référence en matière d’aménagement des espaces de sûreté et des cellules de garde à vue. Celles-ci préconisent, notamment, de dédier un local spécifique pour la garde à vue des mineurs et des personnes les plus vulnérables ; de doter les cellules individuelles d’une superficie minimale de 7 m2 et les cellules collectives d’une superficie entre 12 et 16 m2 et notamment d’un point d’eau, de toilettes, d’un muret d’une hauteur suffisante permettant de préserver l’intimité de la personne. Entre 2016 et le premier semestre 2019, la police nationale a financé à hauteur de 2,2 M€ des opérations de mise aux normes et de rénovation de locaux de garde à vue. D’autres opérations significatives de rénovation de locaux de garde à vue sont en cours, dans le cadre de la politique d’humanisation des conditions de garde à vue portée par la police nationale. La rigueur et la qualité de ces contrôles internes sont elles-mêmes évaluées dans le cadre des missions d’audit menées par l’inspection générale de la police nationale. Par note du 16 janvier 2015, la direction centrale de la sécurité publique a ainsi diffusé à l’ensemble de ses services un référentiel de contrôle interne comportant de nombreuses instructions relatives à la protection de la dignité des personnes retenues : conditions du menottage, réalisation des mesures de sûreté à l’abri des regards et par un personnel de même sexe, accès aux visiteurs extérieurs autorisé, séparation des mineurs des autres personnes retenues, nettoyage des locaux, accès à un appel aux secours, mise à disposition d’une pharmacie d’urgence, etc.


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