Révision du règlement Bruxelles II bis

Europa

La Commission européenne avait établi en 2014 un rapport sur l’application du règlement (CE) nº 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale (dit règlement « Bruxelles II bis »), d’où il ressortait que les principales difficultés de mise en œuvre dudit règlement concernaient la responsabilité parentale – notamment l’audition de l’enfant, la coopération entre les autorités centrales, l’exécution effective des décisions, l’exigence d’exequatur, le placement de l’enfant dans un autre État membre et la procédure de retour de l’enfant en cas d’enlèvement parental.

Le Conseil de l’Union européenne a donc adopté aujourd’hui une révision du règlement dit « Bruxelles II bis ». Les principales nouveautés sont les suivantes :

  • la clarification des règles relatives au « droit de l’enfant d’exprimer son opinion », avec l’obligation de donner « à un enfant qui est capable de discernement une possibilité réelle et effective d’exprimer son opinion » (article 21) – cette obligation s’applique également en cas d’enlèvement parental dans la procédure de retour de l’enfant au titre de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 (article 26) ;
  • la clarification et le renforcement des règles applicables aux affaires d’enlèvement d’enfants au sein de l’Union européenne, comprenant l’introduction de délais clairs afin que ces affaires soient traitées le plus rapidement possible (chapitre III) ;
  • la suppression totale de l’exequatur pour toutes les décisions en matière de responsabilité parentale – cette suppression est assortie d’un certain nombre de garanties procédurales (section 1 du chapitre IV).
  • l’harmonisation de certaines règles pour la procédure d’exécution : icelle reste régie par le droit de l’État membre d’exécution, mais le règlement comporte certains motifs harmonisés de refus ou de suspension de l’exécution afin que la sécurité juridique des justiciables soit mieux assurée (section 3 du chapitre IV) ;
  • la clarification des règles sur la transmission des accords extrajudiciaires et des actes authentiques – la transmission des accords en matière de divorce, responsabilité parentale ou séparation de corps sera autorisée s’ils sont accompagnés d’un certificat approprié (section 4 du chapitre IV) ;
  • la clarification des dispositions relatives au « placement d’un enfant dans un autre État membre », comprenant la nécessité d’obtenir une approbation préalable pour tous les placements, sauf lorsque l’enfant doit être placé auprès d’un parent (article 82) ;

En matière matrimoniale, le rapport de 2014 avait préconisé « l’introduction, dans le règlement, d’une autonomie limitée des parties permettant aux époux de convenir du tribunal compétent [qui] pourrait être particulièrement utile dans les divorces par consentement mutuel, d’autant plus que les époux ont la possibilité, en vertu du règlement Rome III, de convenir de la loi applicable à leur litige matrimonial » (p. 5). Cette préconisation n’a pas été suivie : les dispositions de l’article 3 – déterminant les règles de compétence « sur les questions relatives au divorce, à la séparation de corps et à l’annulation du mariage » – restent inchangées sur le fond.

On notera également que la clarification des règles relatives à la transmission des accords extrajudiciaires et des actes authentiques devrait permettre la circulation au sein de l’Union européenne du divorce déjudiciarisé par consentement mutuel relevant des articles 229-1 à 229-4 du code civil français. Nonobstant l’article 2 du décret nº 2016-1907 du 28 décembre 2016 et les précisions apportées dans la circulaire JUSC1638274C du 26 janvier 2017, un doute existait en effet quant à la possibilité de faire entrer ce divorce spécifique dans le champ d’application du règlement « Bruxelles II bis » (cf. arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 20 décembre 2017 dans l’affaire C‑372/16). Ce doute paraît désormais levé. Le considérant 14 du règlement révisé précise que :

« [Les] accords qui acquièrent un effet juridique contraignant dans l’État membre d’origine à la suite de l’intervention formelle d’une autorité publique ou d’une autre autorité notifiée à la Commission par un État membre devraient être exécutés dans les autres États membres conformément aux dispositions spécifiques du présent règlement relatives aux actes authentiques et accords. Le présent règlement ne devrait pas autoriser la libre circulation de simples accords privés. Cependant, les accords qui ne sont ni une décision ni un acte authentique, mais qui ont été enregistrés par une autorité publique habilitée à le faire, devraient pouvoir circuler. Ces autorités publiques pourraient inclure les notaires enregistrant les accords, même s’ils exercent une profession libérale. »

De même, aux termes du considérant 70 :

« Les actes authentiques et les accords entre parties relatifs à la séparation de corps et au divorce qui ont un effet juridique contraignant dans un État membre devraient être assimilés à des “décisions” aux fins de l’application des règles de reconnaissance. Les actes authentiques et les accords entre parties en matière de responsabilité parentale qui sont exécutoires dans un État membre devraient être assimilés à des “décisions” aux fins de l’application des règles de reconnaissance et d’exécution. »

L’article 2 du règlement révisé définit par ailleurs l’accord susceptible de bénéficier des règles de reconnaissance et d’exécution comme « un acte qui n’est pas un acte authentique, qui a été conclu par les parties dans les matières relevant du champ d’application du présent règlement et qui a été enregistré par une autorité publique notifiée à cet effet à la Commission par un État membre ».

Lors des travaux préparatoires, le Conseil de l’Union européenne avait aussi formulé cette condition :

« Il est essentiel que la transmission ne puisse avoir lieu que lorsqu’il a été vérifié, dans l’État membre d’origine, que l’État membre dont les autorités ont dressé ou enregistré formellement l’acte authentique ou enregistré l’accord est bien celui dont les juridictions sont compétentes. »

Cette condition se retrouve dans l’article 64 du règlement révisé, disposant que les règles relatives à l’exécution et à la reconnaissance des accords extrajudiciaires et des actes authentiques s’appliquent « en matière de divorce, de séparation de corps et de responsabilité parentale aux actes authentiques qui ont été dressés ou enregistrés formellement dans un État membre dont les juridictions sont compétentes au titre du chapitre II et aux accords qui y ont été enregistrés ».

Ces nouvelles règles entreront en vigueur le vingtième jour suivant celui de leur publication au Journal officiel de l’Union européenne et s’appliqueront à partir du 1er août 2022 (article 105).

Mise à jour du 2 juillet 2019

Le règlement a été publié aujourd’hui dans le Journal officiel de l’Union européenne (pp. L178/1-L178/115).

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