Question sur les morts dans la rue

Sénat

Vaugrenard (Yannick), Question d’actualité au gouvernement nº 736 sur les morts dans la rue [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 33 S (C.R.), 5 avril 2019, pp. 5157-5158].

M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, pour le groupe socialiste et républicain.

Yannick Vaugrenard (© Clément Bucco-Lechat)

Yannick Vaugrenard (© Clément Bucco-Lechat)

M. Yannick Vaugrenard. Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Mardi dernier, le 2 avril, un hommage était rendu à Paris aux morts de la rue. Chez nous, en France, en 2018, 566 sans-domicile sont morts dans la rue. Ils étaient 511 l’année précédente.

Ils avaient en moyenne 48 ans ; treize d’entre eux étaient mineurs, dont cinq avaient moins de 5 ans, deux entre 5 et 9 ans et six entre 15 et 18 ans.

Ils sont morts, trop souvent dans l’indifférence, sur la voie publique, dans des abris de fortune – parking, cage d’escalier, cabane de chantier… –, parfois dans un lieu de soins ou une structure d’hébergement.

Ils ne font que trop rarement la une de l’actualité, mais c’est la cruelle réalité d’aujourd’hui, dans notre France, pays des droits de l’homme ou, comme Robert Badinter le précisait, « plutôt la France de la Déclaration des droits de l’homme ».

La responsabilité est collective. Elle perdure depuis déjà de trop longues années. Et ce qu’il y a de scandaleux dans le scandale, c’est qu’on s’y habitue.

Madame la ministre, un véritable plan d’extrême urgence s’avère indispensable pour ne pas avoir à constater, dans un an, la triste réalité des chiffres de 2018.

Permettez-moi, mes chers collègues, de m’adresser à nous tous également. Notre Haute Assemblée peut aussi avoir la noble ambition d’être le porte-voix de ces sans-voix. C’est une ambition à porter, un défi à relever.

À ce moment de mon propos, je veux remercier le travail remarquable de l’ensemble des associations caritatives et humanitaires pour leur attention scrupuleuse et leur indispensable action. Sans elles, notre pays connaîtrait un véritable raz-de-marée de la misère.

Notre illustre prédécesseur Victor Hugo écrivait : « L’homme est fait non pas pour traîner des chaînes, mais pour ouvrir des ailes. » Brisons, mes chers collègues, les chaînes de l’indifférence et écoutons respectueusement le silence de ces 566 sans-abris qui nous ont quittés l’an passé. (Applaudissements prolongés sur l’ensemble des travées.)

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de la ville et du logement.

Julien Denormandie (© Jacques Paquier)

Julien Denormandie (© Jacques Paquier)

M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement. Monsieur le sénateur, je voudrais tout d’abord saluer vos propos. La rue tue : elle tue l’hiver et elle tue l’été – elle tue peut-être même davantage en été.

Comme vous l’avez souligné, cette situation dure depuis de nombreuses années dans notre pays. Au moment où je vous parle, des milliers de personnes dorment dans la rue. (Exclamations sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. Rachid Temal. Eh oui…

M. Julien Denormandie, ministre. Nous nous sommes certainement beaucoup trop habitués à voir des femmes et des enfants y dormir.

Que faisons-nous ? Nous agissons avec beaucoup d’humilité et de détermination. Nous avons ouvert, depuis mai 2017, plus de 15 000 places d’hébergement d’urgence supplémentaires.

Aujourd’hui, le dispositif qui se trouve sous ma responsabilité est l’équivalent de la ville du Mans ou de celle de Brest. Et pourtant, des personnes sont encore à la rue. Il faut leur permettre de sortir durablement de la pauvreté.

Tel est le sens de la politique du Logement d’abord que nous avons mise en place. L’année dernière, elle nous a permis, avec l’aide de la Fondation Abbé Pierre, de faire sortir 70 000 personnes de la rue, d’abris de fortune ou de logements qui n’étaient pas dignes – 70 000 !

Il faut continuer avec énormément de détermination. Victor Hugo écrivait aussi, dans une de ses correspondances : « Pour moi, l’idée de nation se dissout dans l’idée d’humanité. » La grandeur d’une nation se mesure à cette humanité, à cette solidarité qu’elle est capable d’octroyer aux plus fragiles.

Soyez assuré, monsieur le sénateur, que nous continuerons d’agir non seulement avec beaucoup de force et d’humilité, mais surtout avec détermination face au sans-abrisme. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Union Centriste.)


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