Dispositions destinées à lutter a priori contre les reconnaissances frauduleuses de paternité et de maternité

Circulaire JUSCI904138C

Le ministère de la Justice diffuse aujourd’hui une circulaire (NOR  JUSCI904138C) d’application de la loi nº 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, présentant les dispositions – entrées en vigueur le 1er mars dernier – destinées à lutter a priori contre les reconnaissances frauduleuses de paternité et de maternité. Nous reproduisons ci-après l’essentiel du texte de présentation signé par Thomas Andrieu, directeur des affaires civiles et du sceau.

La loi nº 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie a notamment eu pour objectif de lutter en amont contre les reconnaissances frauduleuses de paternité ou de maternité avant même qu’un acte de reconnaissance ne soit établi.

Jusqu’à présent, il existait uniquement des dispositifs, civils et pénaux, destinés à lutter en aval des reconnaissances frauduleuses, ne permettant pas d’agir de manière globale pour lutter efficacement contre les reconnaissances frauduleuses.

En effet, en l’absence de contrôle a priori des reconnaissances, l’officier de l’état civil était dans l’obligation d’enregistrer la reconnaissance [1], après avoir appelé l’attention de son auteur sur les conséquences de cet acte et les éventuels risques qui pourraient en résulter, celui-ci s’exposant aux peines prévues à l’article 441-4 du code pénal [2]. Lorsqu’il existait un doute sur le caractère illicite ou frauduleux de l’acte, notamment du fait des pièces produites ou sollicitées par l’officier de l’état civil (afin de prouver notamment l’identité du déclarant), ce dernier devait enregistrer la reconnaissance et informer, sans délai, le parquet. Celui-ci pouvait, le cas échéant, engager l’action en contestation de la filiation sur le fondement des dispositions de l’article 336 du code civil.

Afin d’identifier et de lutter, le plus en amont possible, contre les reconnaissances potentiellement frauduleuses, un groupe de travail interministériel a été mis en place en 2016 pour parfaire le dispositif existant. S’en sont suivies des préconisations, dont les deux dispositifs préventifs qui seront développés dans le cadre de la présente circulaire. D’autres préconisations tendent à améliorer la coordination entre les acteurs intervenant dans la lutte a posteriori des reconnaissances frauduleuses. Elles seront mises en œuvre et détaillées par circulaire distincte.

En premier lieu, il convient de rappeler qu’une reconnaissance de paternité ou de maternité constitue l’un des modes d’établissement de la filiation paternelle ou maternelle. Conformément à l’article 316 du code civil, elle peut être effectuée avant ou après la naissance de l’enfant ainsi que concomitamment à la déclaration de naissance. La reconnaissance n’établit la filiation qu’à l’égard de son auteur.

La reconnaissance est dite de complaisance lorsque son auteur sait ne pas avoir de lien de filiation biologique avec l’enfant mais s’engage à assumer les conséquences du lien de filiation établi par l’acte de reconnaissance. Les droits et devoirs découlant de l’autorité parentale sont d’ailleurs rappelés à chaque personne souhaitant procéder à une reconnaissance, l’officier de l’état civil étant chargé de faire lecture des articles 371-1 et 371-2 du code civil. Une reconnaissance de complaisance peut toujours être annulée dans les conditions prévues aux articles 332 à 336 du code civil, et le déclarant peut être condamné à des dommages-intérêts, s’il est à l’initiative de l’action en contestation de sa paternité.

Il en va différemment d’une reconnaissance frauduleuse, souscrite par son auteur dans le seul but d’obtenir ou de faire obtenir à l’un des parents un avantage particulier, notamment celui lié à l’attribution à l’enfant mineur de la nationalité ou à la perception de prestations sociales.

Dans l’hypothèse où le parent étranger est en situation irrégulière au regard du droit au séjour, l’attribution à son enfant de la nationalité française lui ouvre un droit au séjour et/ou une protection contre une mesure d’éloignement. Il est rappelé qu’aucune disposition légale ne subordonne la reconnaissance d’un enfant à la régularité de la situation administrative d’une personne de nationalité étrangère et que la seule irrégularité du séjour ne met pas en doute la sincérité de la reconnaissance.

Dans tous les cas, l’auteur d’une reconnaissance souscrite à des fins étrangères à l’intérêt de l’enfant et à son éducation n’a pas l’intention d’assumer les droits et devoirs résultant du lien de filiation ainsi établi.

La loi précitée du 10 septembre 2018 a introduit, en son article 55, II, deux dispositifs nouveaux aux fins de lutter a priori contre les reconnaissances frauduleuses : d’une part, l’obligation pour toute personne souhaitant établir un lien de filiation par reconnaissance de présenter des justificatifs d’identité et de domicile, venant ainsi compléter les dispositions de l’article 316 du code civil ; d’autre part, la possibilité pour le procureur de la République de surseoir ou de s’opposer à une reconnaissance (nouveaux articles 316-1 à 316-5 C. civ.). Ce dispositif initialement mis en œuvre à Mayotte par la loi nº 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration est désormais étendu à l’ensemble du territoire national.

Ces dispositions, qui sont entrées en vigueur le 1er mars 2019, comportent un double objectif : prévenir un contournement des règles de l’entrée et du séjour des étrangers en France et un dévoiement des règles d’établissement du lien de filiation.

Elles sont destinées à renforcer la lutte contre différents cas de fraude. Il peut s’agir de :

  • la reconnaissance de l’enfant mineur d’une ressortissante étrangère par un Français. La reconnaissance permet d’attribuer à l’enfant la nationalité française puis, à sa mère, un titre de séjour en qualité de parent d’enfant français ; un Français peut souscrire des reconnaissances multiples ;
  • la reconnaissance de l’enfant mineur d’une Française par un ressortissant étranger. Ce dernier devient ainsi parent d’enfant français et peut, à ce titre, obtenir la délivrance d’un titre de séjour, sous réserve notamment de contribuer à l’entretien et à l’éducation de l’enfant (article 313-11, 6º du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) ;
  • la reconnaissance peut également être effectuée pour qu’une mère ou un père puisse bénéficier de prestations sociales, pour elle-même, lui-même et/ou pour son enfant, étant précisé que des reconnaissances multiples peuvent également être effectuées dans cet objectif.

[…] Il est précisé que la loi précitée du 10 septembre 2018 a également introduit une condition supplémentaire pour que les enfants nés à Mayotte de parents étrangers puissent acquérir la nationalité française à raison de la naissance et de la résidence en France. Sera désormais exigée la preuve de ce que, à la naissance de l’enfant, le parent étranger résidait en France de manière régulière, sous couvert d’un titre de séjour, et de manière ininterrompue depuis plus de trois mois (art. 16 et 17 de la loi, rétablissant les articles 2493 à 2495 du code civil). Ces dispositions feront l’objet d’une circulaire distincte.

Notes
  1. Cf. § 266 de la circulaire (NOR : JUSC1119808C) du 28 octobre 2011 relative aux règles particulières à divers actes de l’état civil relatifs à la naissance et à la filiation.
  2. Constitue un faux toute altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d’expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d’établir la preuve d’un droit ou d’un fait ayant des conséquences juridiques.
    Le faux et l’usage de faux sont punis de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

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