Question sur la clause de conscience et l’IVG

Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 84 S (C.R.), 3 octobre 2018

Jomier (Bernard), Question d’actualité nº 479G à la ministre des solidarités et de la santé sur la clause de conscience et l’IVG [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 84 S (C.R.), 3 octobre 2018, pp. 13343-13344].

M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Bernard Jomier (© D.R.)

Bernard Jomier (© D.R.)

M. Bernard Jomier. Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Madame la ministre, récemment, le président d’un syndicat de gynécologues-obstétriciens a provoqué une polémique sur l’IVG et la clause de conscience.

Il doit être clair pour tout le monde que personne ne souhaite contraindre un médecin à effectuer quelque acte que ce soit. C’est un principe général qui est garanti par l’article 47 du code de déontologie médicale.

Mais nous ne pouvons plus accepter les remises en cause répétées d’un droit fondamental pour les femmes. Or le caractère superfétatoire de cette clause spécifique apparaît comme une stigmatisation du droit fondamental à l’interruption volontaire de grossesse.

Ce droit peine en outre à être effectif, 5 000 femmes se rendant encore chaque année à l’étranger pour une IVG.

Cette double clause apparaît comme une double peine pour ces femmes. C’est la raison pour laquelle, sous l’impulsion de Laurence Rossignol, nous proposons son abrogation.

Madame la ministre, allez-vous enfin supprimer cette clause superfétatoire ? Surtout, quelles dispositions allez-vous prendre pour rendre effectif le droit à l’interruption volontaire de grossesse, par exemple en développant la place des sages-femmes et des médecins généralistes dans la pratique des IVG médicamenteuses comme instrumentales.

Il s’agit, là encore, de garantir un droit que la loi reconnaît à toutes les femmes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Agnès Buzyn (© UNAF)

Agnès Buzyn (© UNAF)

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Bernard Jomier, tout d’abord, j’ai condamné avec une très grande virulence les propos du président du Syndicat national des gynécologues-obstétriciens, tenus dans le cadre de ses responsabilités syndicales.

Nul ne doute évidemment de ma volonté de faciliter l’accès à l’IVG pour toutes les femmes qui le souhaitent.

Je relève toutefois quelques erreurs dans vos propos, monsieur le sénateur. D’abord, les femmes qui se rendent aujourd’hui à l’étranger pour pratiquer l’IVG le font généralement parce qu’elles ne sont plus dans les délais légaux français.

Par ailleurs, depuis dix ans, le nombre d’IVG réalisées en France est totalement stable. Il n’y a donc pas de difficulté pour recourir à l’IVG, et l’on pourrait même souhaiter que ce nombre diminue, car ce serait le signe d’un accès facilité à la pilule du lendemain et à la contraception.

Cela relève aussi de ma responsabilité de ministre de la santé, et c’est pourquoi j’ai créé une consultation gratuite de prévention autour de la santé sexuelle pour les jeunes filles et, désormais, les jeunes garçons de 17 ans – la mesure est inscrite dans le PLFSS.

M. M. Didier Guillaume. Très bien !

Mme Agnès Buzyn, ministre. Selon vous, la difficulté d’accès en France justifierait que l’on supprime cette clause de conscience. Aujourd’hui, seul l’hôpital de Bailleul a connu des difficultés en raison de l’application de la clause de conscience. Nous avons trouvé immédiatement une solution et j’ai demandé à mes services de réfléchir à un moyen d’évaluer les difficultés d’accès potentiel qui pourraient survenir dans certains établissements. Ce travail est en cours avec les agences régionales de santé.

Vous pouvez compter sur mon plein et entier engagement en faveur de l’accès des femmes à l’IVG.

Par ailleurs, comme vous l’avez souligné, nul ne peut imposer un acte médical à un médecin lorsque celui-ci n’est pas vital, ce qui est le cas de l’IVG.

La clause de conscience protège aussi les femmes d’une discussion compliquée avec les médecins et sa suppression pourrait aboutir à ce que l’acte soit parfois pratiqué dans de mauvaises conditions de bienveillance, ce que nous ne souhaitons pas pour des femmes qui se trouvent en grande souffrance à ces moments-là. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche et sur quelques travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour la réplique.

M. Bernard Jomier. Madame la ministre, aucun droit sociétal ne devrait être limité par une clause spécifique.

Vous allez bientôt porter une loi sur l’extension de la PMA à toutes les femmes. Si vous maintenez cette clause pour l’IVG, comment l’empêcherez-vous pour la PMA, comment ferez-vous alors pour que l’on n’avance pas à reculons ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)


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