Avenir de la prestation compensatoire au décès du débiteur

Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 28 S (Q), 12 juillet 2018

Carle (Jean-Claude), Question écrite nº 3158 à la ministre de la justice sur la situation des héritiers des débirentiers (Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 6 S (Q), 8 février 2018, p. 515).

Jean-Claude Carle (© 8 Mont Blanc)

Jean-Claude Carle (© 8 Mont Blanc)

M. Jean-Claude Carle appelle l’attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur la situation des divorcés d’avant la loi nº 2000-596 du 30 juin 2000 relative à la prestation compensatoire en matière de divorce, qui ont été condamnés à verser à leur ex-épouse une rente viagère de prestation compensatoire.

À la fois dette et prestation alimentaire, cette rente, versée depuis souvent plus de 20 ans, représente en moyenne une somme totale de plus de 150 000 €. Il convient de rappeler qu’après la loi nº 2000-596 du 30 juin 2000, relative à la prestation compensatoire en matière de divorce, la moyenne des sommes demandées sous la forme de capital et payables en huit ans n’est que de 50 000 €.

La loi nº 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce a, quant à elle, ouvert la possibilité de demander une révision ou une suppression de cette rente. Toutefois, très peu de divorcés ont utilisé cette procédure, eu égard au coût d’une procédure et à l’extrême incertitude de l’issue (moins de 1 % des requérants ont obtenu gain de cause).

Certes, l’amendement modifiant le premier alinéa de l’article 33-VI de [la] loi nº 2004-439, a permis d’améliorer la situation de quelques débirentiers. Les recours ainsi entamés ont, dans la plupart des cas, conduit à une diminution, voire une suppression de la prestation compensatoire.

Cependant nombreux sont les débirentiers, les plus faibles et les plus démunis qui, faute essentiellement de moyens financiers, n’osent pas demander cette révision.

Ils vivent dans la hantise de laisser à leurs héritiers, veuves et enfants, une situation catastrophique.

Des problèmes importants peuvent surgir au décès du débiteur. En effet, la succession se voit amputée de la dette que représente la rente transformée en capital, en application d’un barème jugé prohibitif par de nombreux acteurs. Or, souvent l’héritage se résume au domicile conjugal ; dans ce cas les conséquences sont douloureuses pour les héritiers.

Ainsi, à la peine s’ajoute une nouvelle douleur morale et une charge financière insoutenable pour les familles recomposées.

Il est indispensable de mettre un terme à cette situation. La suppression de la dette au décès du débirentier paraît être la solution adéquate. En outre, s’agissant d’une population vieillissante, avec une moyenne d’âge de 80 ans environ, et peu fortunée, il importe de souligner l’urgence.

Il lui demande donc de lui indiquer les suites qu’elle entend réserver à cette proposition.


Giudicelli (Colette), Question écrite nº 2886 à la ministre de la justice sur l’avenir de la prestation compensatoire au décès du débiteur (Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 4 S (Q), 25 janvier 2018, p. 271).

Colette Giudicelli (© D.R.)

Colette Giudicelli (© D.R.)

Mme Colette Giudicelli attire l’attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les divorcés qui ont été condamnés à verser à leur ex-épouse une rente viagère de prestation compensatoire.

La loi nº 2004-439 du 26 mai 2004 réformant la procédure du divorce a ouvert la possibilité de demander une révision ou une suppression de cette rente mais très peu de divorcés ont utilisé cette procédure. Pourtant, les recours qui ont été engagés ont, dans la plupart des cas, conduit à une diminution, voire une suppression de la prestation compensatoire.

Or, nombreux sont les débiteurs, les plus faibles et les plus démunis qui, faute essentiellement de moyens financiers, n’osent pas demander cette révision. Ils vivent dans la hantise de laisser à leurs héritiers, veuves et enfants, une situation catastrophique. En effet, les problèmes importants surgissent au décès du débiteur. À la peine s’ajoute une nouvelle douleur morale et une charge financière insoutenable pour les familles recomposées.

Elle lui demande si la suppression de cette dette au décès du débiteur pourrait être envisagée.


Réponse du ministère de la Justice publiée dans le Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 28 S (Q), 12 juillet 2018, pp. 3477-3479.

Nicole Belloubet (© Guillaume Paumier)

Nicole Belloubet (© Guillaume Paumier)

La question porte sur la prestation compensatoire fixée sous forme de rente viagère avant l’entrée en vigueur de la loi du 30 juin 2000 relative à la prestation compensatrice en matière de divorce. La transmissibilité passive de la prestation compensatoire, qui implique qu’au décès du débiteur ses héritiers continuent de verser la prestation compensatoire avait pu avoir des conséquences difficilement tolérables lorsque le créancier remarié disposait de revenus supérieurs à ceux du débiteur soumis à de nouvelles charges de famille. Néanmoins, des situations tout aussi difficiles devaient être prises en considération, à savoir celles des premières épouses ne tenant leur survie que de leur ex-conjoint, pour avoir fait le choix d’une famille plutôt que d’une carrière. C’est la raison pour laquelle la loi du 30 juin 2000 a conservé le principe de la transmissibilité de la prestation compensatoire aux héritiers, conformément au droit commun des successions. Néanmoins cette transmissibilité a été considérablement aménagée afin d’alléger la charge pesant sur les héritiers du débiteur. C’est ainsi que tout d’abord la même loi du 30 juin 2000 a instauré une déduction automatique du montant de la prestation compensatoire des pensions de réversion versées au conjoint divorcé au décès de son ex-époux. Ensuite, la loi du 26 mai 2004 est venue préciser que le paiement de la prestation compensatoire est prélevé sur la succession et dans la limite de l’actif successoral. Ainsi en cas d’insuffisance d’actif, les héritiers ne seront pas tenus sur leurs biens propres. Par ailleurs, cette même loi a consacré l’automaticité de la substitution d’un capital à une rente, sauf accord unanime des héritiers. Le barème de capitalisation prend en compte les tables de mortalité de l’INSEE ainsi que d’un taux de capitalisation de 4 %. Lorsque les héritiers ont décidé de maintenir la rente en s’obligeant personnellement au paiement de cette prestation, la loi leur a ouvert une action en révision, en suspension ou en suppression de la rente viagère en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l’un [sic] ou l’autre des parties, y compris pour les rentes allouées avant l’entrée en vigueur de la loi. Enfin, pour les rentes viagères fixées antérieurement au 1er juillet 2000, il a été prévu une faculté supplémentaire de révision, de suspension ou de suppression lorsque leur maintien en l’état procurerait au créancier un avantage manifestement excessif au regard de l’âge et l’état de santé du créancier. La loi nº 2015-177 du 16 février 2015 a précisé qu’il était également tenu compte de la durée du versement de la rente et du montant déjà versé. Le dispositif issu de ces lois successives est ainsi équilibré, et leur révision ne fait pas partie des projets actuels du gouvernement.


Laissez un commentaire (respectez les règles exposées dans la rubrique “À propos”)

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.