Le juge a l’obligation de déterminer précisément le droit de visite

Cour de cassation

Lors de son audience publique de ce 15 mai 2018, la Cour de cassation a rappelé une nouvelle fois que le juge aux affaires familiales a l’obligation de déterminer précisément le droit de visite qu’il accorde.

En l’espèce, dans le cadre d’une procédure de divorce, une ordonnance de non-conciliation avait fixé la résidence de trois enfants chez leur mère, et accordé un droit de visite et d’hébergement « classique » au père. Ce dispositif avait été réformé au prononcé du divorce, de sorte que le père ne voyait plus ses enfants que deux fois par mois dans un « lieu neutre ».

La mère avait fait valoir que « les enfants supportaient mal les modalités initiales du droit d’accueil à raison des propos dénigrants [du père] à l’égard de [la mère] et du comportement anormalement intrusif de la compagne [du père] ». Ces affirmations étaient malheureusement corroborées par un courriel d’une enseignante indiquant que l’une des filles « était blanche en rentrant en classe et [était] partie vomir » ; interrogée sur la cause de ses troubles, l’enfant avait répondu « qu’elle n’était pas bien parce que son papa lui avait dit des choses méchantes sur sa maman, alors que ce n’était pas vrai ».

Considérant qu’il était « ainsi clairement établi que [le père avait] tenu, devant l’un des enfants au moins, des propos dénigrants à l’égard de leur mère suffisamment graves pour occasionner chez [ladite enfant] des troubles psychosomatiques caractérisés et dûment constatés par un tiers neutre », le juge aux affaires familiales avait donc décidé que le père exercerait désormais un simple droit de visite deux fois par mois dans un « lieu neutre » (Le Cerf-Volant, à Lorient), pendant une durée de six mois, éventuellement renouvelable à l’initiative de la structure d’accueil. Il avait précisé « que la mère [devrait] amener les enfants à la structure et les ramener à l’issue du droit de visite, […] que le père [devrait] prendre contact avec la structure afin de voir désigner un référent, […] qu’après deux visites non honorées, consécutives ou non, par le père, sans motif légitime, les visites [seraient] suspendues jusqu’à la mise en place d’un nouveau calendrier, […] que le droit de visite [serait] exercé conformément au règlement intérieur de la structure, notamment en ce que les éventuelles sorties [auraient] lieu à l’initiative et sous le contrôle de celle-ci et […] que les parents [devraient] formaliser, par l’intermédiaire de la structure, les accords modifiant les modalités de visite ».

Arguant que ses filles demandaient à le voir hors du cadre ainsi fixé, le père avait fait appel de ce jugement. Statuant le 5 septembre 2016, la cour d’appel de Rennes l’avait débouté, au motif que sa demande n’était pas justifiée. Outre que la mère faisait à nouveau état de « propos inadaptés du père lors des droits de visite médiatisés », le père n’avait pas jugé opportun de solliciter l’audition de ses enfant pour appuyer ses prétentions. Par conséquent, il ne pouvait être reproché au juge de première instance d’avoir méconnu l’article 373-2-6 du code civil, selon lequel le juge aux affaires familiales doit régler les questions qui lui sont soumises « en veillant spécialement à la sauvegarde des intérêts des enfants mineurs ».

Le père avait alors formé un pourvoi en cassation. La durée exacte des rencontres et de la mesure n’ayant pas été précisée, il reprochait notamment à la cour d’appel de Rennes d’avoir violé l’article 1180-5 du code de procédure civile :

« Lorsqu’en statuant sur les droits de visite et d’hébergement, à titre provisoire ou sur le fond, le juge décide que le droit de visite ou la remise de l’enfant s’exercera dans un espace de rencontre qu’il désigne en application des articles 373-2-1 ou 373-2-9 du code civil, il fixe la durée de la mesure et détermine la périodicité et la durée des rencontres. »

La Cour de cassation lui a donné raison sur ce point :

« En statuant ainsi, sans préciser la durée des rencontres ni celle de la mesure dès lors que la structure d’accueil peut prendre l’initiative d’un renouvellement, la cour d’appel, qui a délégué ses pouvoirs, a violé le texte susvisé. »

L’arrêt a donc été cassé… et les parties renvoyées devant la cour d’appel de Rennes autrement composée pour un nouveau tour de piste. Il est fort dommage que ce père n’ait pas compris que tout ce temps passé en vaines procédures eût été bien mieux employé s’il avait appris à tenir sa langue et à préserver autant que possible sa relation avec ses enfants.

Références
Cour de cassation
Chambre civile 1
Audience publique du 15 mai 2018
Nº de pourvoi : 17-15831

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