Privatisation de l’enseignement de l’orthographe

Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 13 S (Q), 29 mars 2018

Guérini (Jean-Noël), Question écrite nº 542 au ministre de l’éducation nationale sur la privatisation de l’apprentissage de l’orthographe (Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 28 S (Q), 20 juillet 2017, p. 2328).

Jean-Noël Guérini (© Jan Drewes)

Jean-Noël Guérini (© Jan Drewes)

M. Jean-Noël Guérini appelle l’attention de M. le ministre de l’éducation nationale sur la privatisation de l’apprentissage de l’orthographe.

Une note d’information de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance, publiée le 9 novembre 2016, compare « les performances en orthographe des élèves en fin d’école primaire (1987-2007-2015) », pour constater une nouvelle baisse des résultats, notamment en ce qui concerne l’orthographe grammaticale. Sur la même dictée-type d’une dizaine de lignes donnée à des écoliers de CM2, la moyenne des erreurs est passée de 10,6 en 1987 à 14,3 en 2007 et 17,8 en 2015. Si l’on ne peut que déplorer le déclin continu des compétences orthographiques, des acteurs privés ont bien compris qu’il y avait là un marché lucratif. On voit ainsi se multiplier les méthodes pour améliorer son orthographe, en particulier sur internet, où un test gratuit est suivi de cours payants, à la manière de ce qui se pratique dans le domaine sportif. Certains établissements publics offrent même à leurs élèves abonnement et certification privée, estimant qu’il s’agit d’une plus-value.

L’orthographe n’est certes plus au centre des préoccupations scolaires, mais il demeure néanmoins impensable de déléguer son enseignement et la validation de son apprentissage au secteur privé, c’est pourquoi il lui demande s’il ne serait pas opportun de créer un portail officiel et gratuit consacré à la maîtrise de l’orthographe, du primaire à l’enseignement supérieur.


Réponse du Ministère de l’éducation nationale publiée dans le Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 13 S (Q), 29 mars 2018, pp. 1498-1499.

Jean-Michel Blanquer (© Jérémy Barande)

Jean-Michel Blanquer (© Jérémy Barande)

L’apprentissage du français et de son orthographe et la maîtrise par les élèves de la langue française, qui conditionne l’accès aux autres apprentissages, sont au centre des préoccupations de l’École. Il s’agit là d’un enjeu de formation majeur, qui relève des missions fondamentales que sont lire, écrire, compter et respecter autrui : l’enseignement de l’orthographe doit donc être mené en classe, sur le temps long des scolarités primaire et secondaire, au profit de tous les élèves, et il n’est pas question de l’externaliser ni de le déléguer à un service en ligne. Le ministère de l’éducation nationale est particulièrement attentif aux travaux évaluant les acquis des élèves : la Note d’information nº 28 publiée en novembre 2016 par la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) révèle une érosion continue des performances en orthographe des élèves en fin d’école primaire au cours des trente dernières années (1987-2007-2015), une baisse conséquente de la part des élèves les plus performants et parallèlement une forte augmentation de la part des élèves les moins performants. Ce phénomène est général, quel que soit le sexe, l’âge ou l’environnement social des élèves, même si demeurent des différences importantes entre les filles et les garçons ou encore entre les élèves issus de milieux favorisés et ceux issus de milieux défavorisés. L’orthographe grammaticale est la principale source de difficultés et d’erreurs. Face à ces constats et résultats alarmants, le Gouvernement a pris des mesures ambitieuses pour améliorer la maîtrise des savoirs fondamentaux par tous les élèves, et en tout premier lieu, de la langue française et de son orthographe. Le dédoublement des classes de CP dans les écoles de REP+ dès la rentrée 2017 est une mesure structurelle qui permet dès à présent un meilleur accompagnement des élèves les plus fragiles au moment délicat et crucial de l’entrée dans la lecture, dans l’écriture et dans un apprentissage structuré et systématique du français. Cette disposition sera étendue à la rentrée 2018 aux classes de CE1 de REP+ et aux classes de CP de REP, puis en 2019 aux classes de CE1 de REP. Par ailleurs, des évaluations, conçues par le conseil scientifique mis en place auprès du ministre, constituent des outils au service des progrès des élèves, pour permettre aux enseignants de repérer au plus tôt les difficultés de certains, d’ajuster leur enseignement, de l’adapter à chacun. Cette année, elles concernent déjà tous les élèves en début des classes de CP et de 6ème, et en REP les élèves de classe de CP en milieu d’année, à titre expérimental ; l’année scolaire prochaine, elles seront systématisées en début et en milieu de classe de CP ainsi qu’en début des classes de CE1 et de 6ème. Une aide adaptée et personnalisée sera proposée aux élèves en difficulté, notamment dans le cadre du dispositif « Devoirs faits » et en accompagnement personnalisé. En parallèle, le ministère met en place une véritable mobilisation pédagogique. Le conseil supérieur des programmes sera prochainement saisi pour analyser les programmes de l’école élémentaire et du collège actuellement en vigueur et proposer les ajustements nécessaires afin de garantir mieux encore l’apprentissage des savoirs fondamentaux, en particulier de l’orthographe. En parallèle, des progressions annuelles, précisant ce que tout élève doit avoir acquis au terme de chaque année scolaire, seront mises à la disposition des professeurs pour mieux les accompagner dans la mise en œuvre des programmes des différents cycles de la scolarité obligatoire. En outre, un texte de recommandations pédagogiques sur l’enseignement de la grammaire et du vocabulaire sera bientôt publié, visant en particulier un enseignement plus systématique et efficace et une meilleure maîtrise par les élèves de l’orthographe grammaticale (les accords, les conjugaisons, etc.) et de l’orthographe lexicale. Cet enseignement doit être explicite, structuré et régulier tout au long de la scolarité à l’école élémentaire et au collège, à l’aide de leçons de grammaire et de vocabulaire rigoureusement construites. L’exercice de la dictée occupe une place importante dans l’apprentissage de l’orthographe ; il doit être pratiqué quotidiennement à l’école élémentaire. Toutes ces dispositions doivent permettre d’améliorer substantiellement les performances des élèves en orthographe et, plus globalement, leur maîtrise de la langue française.


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