Quand l’autorité parentale s’arrête au seuil des tribunaux…

Cour européenne des droits de l’homme

Dans une décision du 23 janvier dernier, mais rendue publique seulement aujourd’hui, la Cour européenne des droits de l’homme a déclaré irrecevable la requête de deux parents qui, bien que divorcés, menaient un combat commun pour la poursuite du traitement médical de leur fille.

En l’espèce, les requérants sont deux ressortissants français, parents – divorcés – d’une adolescente souffrant d’une myasthénie auto-immune sévère. Le 22 juin 2017, leur fille fut retrouvée inanimée après un arrêt cardio-respiratoire. L’équipe médicale l’ayant prise en charge constata une évolution neurologique très défavorable, avec de graves et nombreuses lésions cérébrales, dont les parents furent informés.

Un mois plus tard, en raison de l’absence de consensus avec les parents sur l’arrêt des traitements, la procédure collégiale prévue par l’article L1110-5-1 du code de la santé publique eut lieu avec l’ensemble de l’équipe médicale, paramédicale et administrative. L’arrêt des traitements fut décidé à la fin de la procédure.

Les parents saisirent le tribunal administratif de Nancy d’une requête en référé visant la suspension de l’exécution de la décision d’arrêt des traitements (voir les articles de Gènéthique signalés dans nos revues de presse du 14 septembre 2017 et du 15 septembre 2017). De nouvelles expertises furent ordonnées, qui constatèrent le caractère irréversible certain des lésions neurologiques et une aggravation du diagnostic depuis l’hospitalisation. Les experts conclurent au caractère déraisonnable du maintien de l’assistance respiratoire et de la nutrition artificielle.

Par ordonnance du 7 décembre 2017, le tribunal administratif de Nancy valida l’arrêt des soins de l’adolescente (voir l’article de Gènéthique signalé dans notre revue de presse du 7 décembre 2017). Les parents firent appel de cette décision devant le Conseil d’État le 20 décembre 2017. Par ordonnance du 5 janvier 2018, le Conseil d’État confirma la conclusion du tribunal administratif de Nancy : « la décision [d’arrêt des traitements] répond aux exigences fixées par la loi et ne porte donc pas une atteinte grave et manifestement illégale au respect d’une liberté fondamentale » (voir l’article de Gènéthique signalé dans notre revue de presse du 5 janvier dernier).

En dernier ressort, les parents se sont tournés vers la Cour européenne des droits de l’homme, en se plaignant notamment de l’absence de recours effectif en droit interne contre la décision d’arrêt des traitements de leur enfant mineur. Il leur a été répondu ainsi :

« 42. Dans sa décision nº 2017-632 QPC du 2 juin 2017 […], le Conseil constitutionnel a estimé, d’une part, qu’une décision d’arrêt ou de limitation de traitements de maintien en vie conduisant au décès d’une personne hors d’état d’exprimer sa volonté devait être notifiée aux personnes consultées par le médecin en vue de connaître la volonté du patient, dans des conditions leur permettant d’exercer un recours en temps utile et, d’autre part, qu’une telle décision devait pouvoir faire l’objet d’un recours aux fins d’obtenir sa suspension, examiné dans les meilleurs délais par la juridiction compétente.

« 43. La Cour relève que cette décision a été respectée en l’espèce […].

« 44. Les requérants ont saisi le [tribunal administratif] d’une requête en référé liberté sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative […].

« 45. En l’espèce, le juge des référés a non seulement examiné l’éventuelle nécessité de suspendre la décision du médecin mais a aussi procédé à un contrôle de légalité complet de cette décision après avoir ordonné une expertise médicale. »

La Cour européenne des droits de l’homme a donc considéré que le droit français a permis un recours juridictionnel conforme aux exigences de l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme et que les autorités internes se sont conformées à leurs obligations positives découlant dudit article, compte tenu de la marge d’appréciation dont elles disposent en l’espèce. Il s’ensuit que les griefs des requérants, manifestement mal fondés, doivent être rejetés.

Références
Cour européenne des droits de l’homme
Cinquième section
23 janvier 2018
Affaire Afiri et Biddarri c. France (requête nº 1828/18)

Pro memoria :

Attention ! La jurisprudence et la loi évoluent en permanence. Assurez-vous auprès d’un professionnel du droit de l’actualité des informations données dans cet article, publié à fin d’information du public.

Laissez un commentaire (respectez les règles exposées dans la rubrique “À propos”)

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.