Présentation des conclusions des cinq chantiers de la justice

Chantiers de la Justice

Lancés le 6 octobre 2017 par le Premier ministre Édouard Philippe et la garde des Sceaux Nicole Belloubet (voir notre article du jour), les travaux sur les cinq thèmes de réforme choisis par l’exécutif (adaptation du réseau des juridictions, amélioration et simplification des procédures civile et de la procédure pénale, sens et efficacité des peines, transformation numérique) ont donné lieu à des consultations aux formes diverses : auditions et consultation publique en ligne (pour le chantier sur la transformation numérique), déplacements en juridictions, envois de questionnaires aux chefs de cours. Le calendrier serré – quatorze semaines de concertation – avait fait l’objet de sévères critiques, mais n’a pas empêché que les conclusions des cinq chantiers soient quand même présentées aujourd’hui par leurs chefs de file à l’occasion des vœux de la garde des Sceaux, Nicole Belloubet.

Celle-ci s’est d’abord félicitée, avant de répondre aux critiques, arguant de l’urgence de la situation :

« J’avais demandé aux différents chefs de file de mener cette vaste consultation afin que nous puissions tester des idées, explorer des pistes, recueillir des propositions nouvelles et concrètes en sollicitant les acteurs de terrain directement. C’est ce tour de force qui a été accompli en trois mois pour chacun des chantiers avec des auditions, des consultations locales, des questionnaires.

« […] Certains m’ont fait le reproche […] d’une consultation trop brève pour laquelle tout aurait déjà été écrit. Ce n’est pas le cas. […] Nous n’avons plus de temps à perdre pour réformer la justice. »

La ministre de la Justice a ensuite laissé les cinq binômes de personnalités désignés présenter leurs conclusions pour leur chantier respectif. La plupart des multiples pistes de réforme proposées reposent sur la transformation numérique de l’institution judiciaire.

C’est ainsi que les référents des chantiers sur la transformation numérique et la simplification des procédures civiles et pénales ont proposé la création d’une plateforme numérique de résolution des petits litiges inférieurs à 5 000 €, des dossiers numériques uniques en matières civile et pénale, l’expérimentation du parloir numérique, l’extension du recours à la visio-conférence, l’interconnexion entre le réseau privé virtuel du ministère de la justice et le Réseau privé virtuel des avocats, la médiation numérique, le recueil des plaintes en ligne avec désignation d’un parquet référent pour les plateformes de traitement des plaintes, etc.

Le rapport sur l’amélioration et simplification de la procédure civile présenté par Frédérique Agostini et Nicolas Molfessis est d’un intérêt particulier au regard du droit de la famille. La vingtième proposition préconise en effet de « soumettre la procédure de divorce à la procédure de droit commun, en supprimant l’audience de conciliation ».

Imposée avant l’introduction de l’instance en divorce par l’article 252 du code civil, l’audience de conciliation n’a d’évidence guère de sens. Les juges aux affaires familiales expédient cette formalité sans chercher la moindre conciliation, se contentant d’enregistrer les doléances des futurs ex-époux. L’activité des greffes civils des juridictions, qui doivent gérer un stock important d’ordonnances de non conciliation avant la délivrance de l’assignation, en est fortement affectée, et l’introduction de l’instance est retardée.

Si la procédure de divorce était régie par la procédure civile de droit commun, le prononcé des mesures provisoires nécessaires serait effectué par un juge de la mise en état spécialisé en matière familiale ou le juge des référés en cas d’urgence. Cette mesure nécessiterait une nouvelle réforme de la procédure de divorce.

L’adaptation du réseau des juridictions avait suscité de nombreuses inquiétudes et des manifestations dans plusieurs barreaux. Les chefs de file du chantier idoine, les avocats et anciens députés Philippe Houillon et Dominique Raimbourg, ont préconisé la conservation de tous les lieux de justice afin de « garantir un maillage de la justice irriguant l’ensemble des territoires ». Les cours d’appel seraient ainsi maintenues, avec à leur tête un premier président et un procureur général, mais leur ressort serait calqué sur celui des régions administratives. Une cour d’appel par région se verrait confier un rôle d’animation et de coordination régionale, ainsi que le pilotage de la gestion budgétaire. Toutes les cours d’appel disposeraient d’un socle de compétences commun, auxquelles pourraient s’ajouter des compétences spécialisées.

Concernant le premier degré de juridiction, Philippe Houillon et Dominique Raimbourg proposent la création d’un « tribunal judiciaire », regroupant le tribunal de grande instance et les tribunaux d’instance, voire le conseil des prud’hommes et le tribunal de commerce. Le principe d’un tribunal judiciaire par département n’exclurait pas pour autant l’existence d’autres tribunaux judiciaires, en fonction des nécessités du territoire. Là encore, un tribunal judiciaire se verrait chargé de la coordination au niveau du département.

Philippe Houillon et Dominique Raimbourg préconisent également la mise en place d’une procédure dite de « délestage », permettant le « renvoi d’instances entre juridictions du ressort pour en optimiser les délais de traitement ».

Concernant le sens et l’efficacité des peines, Bruno Cotte et Julia Minkowski ne veulent plus que la peine d’emprisonnement soit l’unique peine de référence en matière correctionnelle. Ils proposent notamment de permettre au juge de prononcer une peine d’interdictions, une peine de probation, une peine de stage, une peine de travail d’intérêt général ou encore un placement sous surveillance électronique.

Saluant le travail réalisé par les groupes de travail, Nicole Belloubet a estimé que leurs propositions constituent « un socle extrêmement solide [et] novateur » pour la loi de programmation 2018-2022 qui sera présentée au printemps prochain en conseil des ministres, ainsi que pour les projets de loi de simplification des procédure civile et pénale. Ces pistes de travail seront préalablement soumises à la concertation des professionnels dès la fin du mois. La ministre de la Justice a aussi considéré que le développement du numérique est le « cœur du réacteur » d’une réforme permettant de transformer le système judiciaire en profondeur.


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