Reconnaissance d’un divorce privé prononcé dans un État tiers à l’Union européenne

Cour de justice de l’Union européenne

Saisie d’une question préjudicielle afin de savoir si « les cas de divorce privé, en l’occurrence celui sur déclaration unilatérale d’un des époux devant un tribunal religieux syrien sur le fondement de la charia, entrent […] aussi dans le champ d’application visé à l’article 1er du [règlement (UE) nº 1259/2010 du Conseil du 20 décembre 2010 mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la loi applicable au divorce et à la séparation de corps, dit “règlement Rome III”] », la Cour de justice de l’Union européenne a répondu aujourd’hui à l’Oberlandesgericht München (tribunal régional supérieur de Munich, Allemagne). La réponse pourra intéresser certain de nos lecteurs qui se trouveraient dans cette situation un peu particulière.

En l’espèce, un couple syrien s’était marié le 27 mai 1999 dans le ressort du tribunal islamique de Homs (Syrie). L’époux avait acquis la nationalité allemande par naturalisation en 1977, et sa femme avait acquis cette même nationalité après son mariage, chacun gardant également la nationalité syrienne.

Le couple vivant en Allemagne, le représentant du mari prononça la formule de divorce devant le tribunal religieux de la charia de Latakia (Syrie), lequel constata le divorce des époux le 20 mai 2013. Le 12 septembre suivant, l’ex-épouse signa une déclaration relative aux prestations qu’elle devait recevoir de son ex-époux en vertu de la législation religieuse.

Le 30 octobre 2013, l’ex-époux demanda la reconnaissance en Allemagne de la décision de divorce prononcée en Syrie. Par décision du 5 novembre 2013, le président de l’Oberlandesgericht München fit droit à cette demande.

Le 18 février 2014, l’ex-épouse demanda l’annulation de cette décision et qu’il soit jugé que les conditions de reconnaissance de la décision de divorce n’étaient pas réunies. Le président de l’Oberlandesgericht München refusa de faire droit à ce recours le 8 avril suivant, au motif que la reconnaissance de la décision de divorce était régie par le règlement Rome III, lequel s’appliquerait également aux « divorces privés », c’est-à-dire prononcés sans le concours de nature constitutive d’une juridiction ou d’une autorité publique.

Par décision du 2 juin 2015, l’Oberlandesgericht München suspendit la procédure et saisit une première fois la Cour de justice de l’Union européenne de différentes questions préjudicielles portant sur l’interprétation du règlement Rome III. S’étant d’abord déclarée incompétente faute d’avoir l’ensemble des éléments lui permettant de statuer, la Cour de justice de l’Union européenne a donc finalement rendu son arrêt aujourd’hui.

Elle rappelle tout d’abord qu’elle a déjà eu l’occasion de juger que le règlement Rome III ne s’applique pas à la reconnaissance d’une décision de divorce rendue dans un État tiers (§ 27).

Elle précise ensuite que le règlement Rome III concerne uniquement « les situations dans lesquelles le divorce est prononcé soit par une juridiction étatique soit par une autorité publique ou sous son contrôle » et qu’il ne saurait donc s’appliquer à un divorce reposant « sur “une déclaration de volonté privée unilatérale” prononcée devant un tribunal religieux » (§ 45).

Elle relève également que « plusieurs États membres ont introduit, depuis l’adoption du règlement nº 1259/2010, dans leurs ordres juridiques la possibilité de prononcer des divorces sans intervention d’une autorité étatique, [mais que] l’inclusion des divorces privés dans le champ d’application de ce règlement nécessiterait des aménagements relevant de la compétence du seul législateur de l’Union » (§ 47).

Références
Cour de justice de l’Union européenne
Première chambre
20 décembre 2017
Affaire nº C-372/16 (Soha Sahyouni c. Raja Mamisch)

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