Question sur les dangers de l’automatisme en matière de garde alternée

Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Assemblée nationale », nº 48 A.N. (Q), 5 décembre 2017

Ferrara (Jean-Jacques), question écrite nº 3487 à la ministre des Solidarités et de la Santé sur les dangers de l’automatisme en matière de garde alternée [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Assemblée nationale », nº 48 A.N. (Q), 5 décembre 2017, p. 6060].

Jean-Jacques Ferrara (© D.R.)

Jean-Jacques Ferrara (© D.R.)

M. Jean-Jacques Ferrara alerte Mme la ministre des solidarités et de la santé sur le débat soulevé par la proposition de loi nº 307 sur « le principe de garde alternée des enfants » – déjà prévue par la loi – qui a été déposée à l’Assemblée nationale en date du 17 octobre 2017. De nombreux amendements ont déjà été déposés, cependant, ni la réécriture du titre de cette proposition de loi, ni la teneur du texte qui sera soumis en première lecture à l’Assemblée nationale le 30 novembre 2017 ne sauraient répondre aux seuls objectifs dignes d’être poursuivis : l’intérêt général et l’intérêt supérieur de l’enfant. Fondée sur un principe « égalitaire » a priori louable, la présente proposition de loi souffre à différents titres d’un défaut de prise en compte effective, voire d’une méconnaissance cumulée des pratiques existantes, de la complexité des contextes et des enjeux liés à la séparation des parents, notamment lorsque celle-ci est conflictuelle. En effet, il paraît opportun et pertinent de rappeler qu’en France, selon les analyses transparentes et incontestables des décisions rendues par les juges aux affaires familiales publiées par le ministère de la justice : 80 % des parents séparés se mettent d’accord spontanément sur la garde des enfants, 10 % sont en désaccord et près de 10 %, le plus souvent le père, ne se présentent pas devant le ou la juge ; plus de 75 % des pères ne veulent pas de la résidence alternée (qui entraîne les tâches domestiques et parentales afférentes) ; seuls 18,8 % des pères réclament la résidence alternée et 17,3 % l’obtiennent ; 93,4 % des demandes des pères et 95,9 % de celles des mères sont satisfaites par le juge. Ainsi, sauf à considérer qu’il ne fasse écho qu’à une revendication partiale d’un droit à l’enfant, l’argument « égalitaire » ne trouve aucune justification objective dans l’évaluation statistique des pratiques. Dès lors, on peut se demander quel intérêt le législateur entend satisfaire en voulant légiférer en lieu et place d’une revendication marginale, qui plus est déjà satisfaite à 92 %. Plus grave, ce souci administratif déguisé de favoriser par défaut une « double domiciliation », sous prétexte, soi-disant, de sécuriser le périmètre de coparentalité de l’enfant, écarte dangereusement les risques sous-jacents : précarisation économique des foyers monoparentaux principalement composés de mères isolées très souvent privées de toute pension alimentaire, fragilisation des droits sociaux des femmes, sanctuarisation des pressions physiques et/ou psychologiques intrafamiliales à l’égard du conjoint et, par son instrumentalisation, de l’enfant. La ministre concédera que ces différentes formes de violences directes et indirectes ne garantissent nullement l’intérêt supérieur de l’enfant. Or au motif de contribuer à nourrir la juste évaluation des situations qui s’opère souvent dans un temps long, cette loi entend permettre au juge des affaires familiales de déroger au « principe de résidence alternée » non plus en invoquant une « raison sérieuse », mais « à titre exceptionnel », ce qui lui laisserait une plus grande marge d’appréciation. Il n’en est rien. Au contraire, à la faveur de cette notion vague, le normatif « administratif » égalitaire primerait et serait voué à se substituer aux « raisons sérieuses » prospérant dans l’intérêt de l’enfant, dont chaque magistrat a à juger au cas par cas, dans un dialogue contradictoire permanent entre les situations d’espèce et les dispositions légales en vigueur. Il la prie donc d’être pleinement soucieuse de l’intérêt général et, en la matière, de l’intérêt supérieur de l’enfant. Il lui demande ce qu’elle entend faire pour limiter les conséquences que pourrait entraîner l’adoption de la proposition de loi nº 307 « relative à la résidence des enfants en cas de séparation des parents ».


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