Lettre ouverte de la Ligue française des droits de l’enfant au président de la République

Ligue française des droits de l’enfant

Monsieur le Président,

Parmi les nombreuses et complexes difficultés auxquelles notre pays est confronté, la question des droits de l’enfant est l’une des plus cruciales, si ce n’est, finalement, la plus importante de toutes. D’elle découle l’évolution et l’avenir de la France. Comme l’écrivit le général de Gaulle, en préambule de l’ordonnance de 1945 :

« Il est peu de problèmes aussi graves que ceux qui concernent la protection de l’enfance, et parmi eux, ceux qui ont trait au sort de l’enfance traduite en justice. La France n’est pas assez riche d’enfants pour qu’elle ait le droit de négliger tout ce qui peut en faire des êtres sains. »

La Ligue française des droits de l’enfant a pour objet de veiller au respect et à l’application de la Convention internationale des droits de l’enfant sur le territoire national. À ce titre, il est de son devoir de vous alerter sur le scandale des placements abusifs et les graves atteintes à la Convention internationale des droits de l’enfant qu’il nous est donné de constater depuis de nombreuses années. De partout à travers le pays, des dossiers nous parviennent, démontrant que nous sommes confrontés à un problème majeur : profitant de leur place au sein des institutions qu’ils dévoient, des personnels dévolus à leur mission de service public font placer des enfants qui ne sont pas en danger afin d’encaisser les subsides de l’État et des conseils départementaux.

Si le coût financier de ce système organisé en réseau au détriment de la cohésion sociale et des deniers publics est absolument considérable, il n’est rien en comparaison de la destruction individuelle et familiale qu’il engendre. En effet, ces sont des dizaines de milliers de familles et d’enfants qui sont ainsi laminés, terrorisés, et finalement exclus de tout système de droits sociaux et juridiques, lorsque la machine des placements abusifs se met en place.

La violence criminelle de l’assistance éducative, lorsqu’elle est détournée de l’esprit de la loi, crée des enfants maltraités au sein des institutions, ou volontairement laissés à l’abandon aux mains de leurs parents bourreaux. Elle participe ainsi au meurtre quotidien de deux enfants chaque jour, tandis que d’autres, bien plus nombreux, sont illégalement arrachés à une famille aimante en l’absence totale de danger. Un récent article du Parisien relatait justement qu’un bébé de deux mois et demi avait été placé suite une fausse expertise affublant sa mère d’une grave pathologie mentale inexistante. Bien que ce rapport mensonger fût démenti par une véritable contre-expertise, l’enfant, à la date de parution de l’article, n’était toujours pas rendu à sa famille. Ce cas de figure, loin d’être un cas isolé, est malheureusement le quotidien de trop nombreuses associations dans la protection de l’enfance.

Autre conséquence, les parents victimes de ces crimes impunis et odieux finissent par perdre tout repère, toute confiance en la justice et en l’État, pourtant censé faire respecter le droit et la loi, et protéger les plus faibles. Plus choquant encore est-il de constater que tous les terroristes ayant agi au cours de ces dernières années sur le territoire national étaient d’anciens enfants passés par l’Aide sociale à l’enfance. C’est un constat d’échec cinglant, qui doit poser question sur le devenir de cette institution et son inadaptation à notre société.

Nous observons, dans les dossiers qui nous parviennent, toujours les mêmes ressorts à l’œuvre : des magistrats qui violent impunément les lois et les procédures, des services sociaux qui mettent en place, autour des parents ciblés, les méthodes bien connues de harcèlement en réseau afin de les détruire socialement et les empêcher ainsi de pouvoir récupérer leurs enfants. Car tel est bien l’objectif final : placer les enfants et ne jamais les rendre. Selon les chiffres avancés par l’Observatoire national de l’enfance en danger, 80 % des enfants placés le restent jusqu’à leurs dix-huit ans. En tout état de cause, il n’est plus acceptable de laisser faire, sachant qu’un placement coûte, en moyenne, entre 6 et 7000 euros par mois à la collectivité.

En 2016, une réforme a été engagée afin de pallier, au moins en partie, ces abus. Force est de constater qu’en dépit de quelques avancées législatives, rien n’a changé ni dans l’esprit ni dans les pratiques : la même barbarie est toujours à l’œuvre dans les tribunaux pour enfants et au sein des service sociaux. Les nouvelles dispositions législatives, pas plus que les précédentes, ne sont appliquées ou respectées.

À cela, la raison est simple : une impunité totale sévit dans les services de justice et parmi les travailleurs sociaux, qui n’hésitent d’ailleurs pas à faire appel, le cas échéant, à des professionnels de santé complices et tout autre auxiliaire ou fonctionnaire en capacité de fournir un faux en écriture afin de valider un placement injustifié, et dans 80 % des cas injustifiable. Lesquels seront tout autant protégés. Des procédures judiciaires fabriquées de toutes pièces sont ensuite mises en œuvre, diffamation, outrage à magistrats, violences imaginaires, afin de faire taire les parents récalcitrants ou les associations qui travaillent à la défense de leurs droits. Fréquents sont les cas où les victimes se retrouvent condamnées par les coupables avec la complicité du tribunal.

Le crime de forfaiture a disparu du code pénal. C’est une grave erreur, car la loi et nos institutions sont aujourd’hui détournées avec cynisme pour faire continuer à tourner la machine à cash du placement abusif.

Des sanctions doivent pouvoir être prises, rapides, exemplaires et effectives, contre tous les intervenants impliqués dans le placement abusif, des travailleurs sociaux aux magistrats, des professionnels de santé aux directeurs d’école complices, car il y en a parfois. Aujourd’hui, il est impossible de poursuivre et moins encore de sanctionner un magistrat, quelle que soit la gravité des actes qu’il commet dans l’exercice de sa fonction.

Des années de travail sur les dossiers de placements abusifs, d’analyse et de compilation, ont permis d’entériner ce chiffre effarant : 100 % des plaintes des parents contre les services sociaux et/ou les magistrats sont classées sans suite, ou, pire encore, disparaissent dans la nature, certaines n’étant même jamais enregistrées par les bureaux d’ordre pénal.

Nous demandons la création d’un tribunal arbitral indépendant afin de rendre justice sur ces affaires, passées, en cours, et à venir, dont vous, Monsieur le Président, en tant que premier magistrat de France, ne pouvez que connaître de la gravité.

Il nous apparaît également qu’une refonte en profondeur de la protection de l’enfance est nécessaire, puisque deux réformes successives, en 2007 et 2016, n’ont absolument rien changé. Deux choses sont très sérieusement à envisager d’urgence : la suppression de l’Aide sociale à l’enfance, inefficace, coûteuse et archaïque, dangereuse, même, pour la jeunesse de notre pays. Et la démonétisation de la protection de l’enfance en danger. J’écrivais il y a quelques temps dans un article :

« Nous disons :

« “Si vous avez des enfants en danger, nous vous donnerons de l’argent pour les protéger.”

« En conséquence de quoi nous trouvons des gens pour nous répondre :

« “J’ai des enfants en danger, donnez-moi l’argent, je les protégerai.”

« Quand ces enfants n’existent pas, ou quand il n’y en a pas assez pour assurer des revenus conséquents permettant de nourrir tous les réseaux participants à cette forfaiture, ils sont créés de toute pièce… »

Enfin, les conséquences du harcèlement criminel en réseau mis en place autour des parents et de leurs accompagnants laissent présager de nombreuses failles dans notre système sécuritaire. Il est évidemment intolérable que les forces vives du pays soient détruites par de telles pratiques, sournoises et sophistiquées, destinées à l’assassinat social des personnes ciblées. Mais il est également très inquiétant de savoir que ce type d’agents actifs, à la solde d’intérêts privés, soient capables de bloquer tous les moyens de communications entre les citoyens et les fonctionnaires de l’État ou les administrations.

Ne laissez pas l’État perdre davantage le contrôle de ses institutions, dont certaines fonctionnent aujourd’hui en roue libre à ses propres dépens.

Au nom des dizaines de milliers d’enfants et de familles concernées, nous espérons, Monsieur le Président, que vous agirez dans les plus brefs délais afin de mettre un terme à ces agissements indignes de notre grande nation. Vous rétablirez ainsi la confiance et la justice dans notre République rudement mise à l’épreuve.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre plus haute considération.

Le Président,

Sylvain Moraillon


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