Le Défenseur des droits répond au Groupe d’études sur les sexismes

Le Défenseur des droits

Le Défenseur des droits a répondu aujourd’hui à la saisine du Groupe d’études sur les sexismes en date du 1er mars dernier. Tout en sachant gré à Jacques Toubon d’avoir bien voulu donner suite à cette saisine, force est de constater le caractère pour le moins dilatoire de sa réponse.

« Le Défenseur des droits […] ne saurait dénoncer comme une discrimination le fait que des politiques publiques opèrent des distinctions sur la base d’éléments objectifs et dans le but de lutter de façon ciblée contre un phénomène dont l’ampleur est aujourd’hui reconnue.

« Aussi apparaît-il important de rappeler que les violences physiques et sexuelles concernent en grande majorité les femmes. »

À l’appui de cette petitio principii, le Défenseur des droits cite deux enquêtes : « Contexte de la sexualité en France » et « Cadre de vie et sécurité ».

Enquête sur la sexualité en FranceOutre qu’elle est assez ancienne, puisque réalisée au cours des années 2005 et 2006, la première n’aborde qu’incidemment le sujet des violences sexuelles. Menée à l’initiative de l’Agence nationale de recherche sur le Sida par des chercheurs de l’Institut national d’études démographiques et de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’enquête « Contexte de la sexualité en France » avait pour objet d’appréhender « les trois composantes de la sexualité que sont les actes, les relations et les significations, en les inscrivant à la fois dans les trajectoires individuelles et dans le contexte social ». La présence d’un module sur les violences sexuelles au cours de la vie était largement dû à « l’inscription de la question de la violence contre les femmes à l’agenda politique » (voir dossier de presse en pièce jointe), et le sujet ne représente qu’un seul des vingt-cinq chapitres de l’édition finale officielle de mars 2008. Au demeurant, comme dans beaucoup d’autres enquêtes sociologiques, la méthodologie employée est largement sujette à caution : l’enquête repose en effet sur les réponses données à un questionnaire administré par des enquêteurs de l’institut de sondage Ipsos à un panel de 12 364 individus, où les femmes étaient sur-représentées (6 824 femmes, 5 540 hommes). Par ailleurs, les chercheurs ont admis sans le discuter ce postulat : « des réponses fiables [sont] des réponses qui reflètent les pratiques et opinions des personnes interrogées » (voir dossier de presse). C’est ainsi que le nombre des victimes de violences sexuelles est évalué à l’aune de « la proportion de femmes se déclarant victimes de violences sexuelles », pour reprendre les termes utilisés par le Défenseur des droits. Vox mulieris, vox Dei ? En tout état de cause, ce n’est pas dans cette enquête qu’on trouvera les « éléments objectifs » sur lesquels prétend se baser Jacques Toubon.

La deuxième enquête, « Cadre de vie et sécurité », ne vaut guère mieux. Conduite chaque année depuis 2007 par l’Institut national de la statistique et des études économiques et l’Observatoire national de la délinquance et de la réponse pénale, sa méthodologie est du même acabit (un questionnaire auto-administré par ordinateur), et sa terminologie relève davantage des techniques de photomontage que des règles de la sémantique (le terme « conjoint », par exemple, désigne aussi bien l’époux que le concubin, le partenaire de PACS, le petit ami ou le partenaire sexuel occasionnel, actuel ou passé…). Bien que le dernier rapport en date (décembre 2016) fasse apparaître une diminution des violences physiques et/ou sexuelles au sein du ménage, ce n’est pas là non plus qu’on trouvera d’« éléments objectifs » propres à étayer la réponse du Défenseur des droits [1].

Ces « éléments objectifs » se trouvent par contre aisément dans toutes les statistiques du ministère de la Justice 😆 qui démontrent que les pères (qui sont aussi généralement des hommes) sont victimes d’une violence extrême de la part des mères et de leurs complices institutionnels (avocats, huissiers, juge aux affaires familiales), en étant très majoritairement privés du droit d’éduquer et de vivre avec leurs enfants. À titre infiniment subsidiaire, il n’est peut-être pas inutile de rappeler que les enfants de la séparation sont aussi victimes de cette violence…

26/04

À ce point de notre analyse, il est important de souligner le biais utilisé par le Défenseur des droits pour éluder un sujet embarrassant. Alors que le Groupe d’études sur les sexismes l’avait interpelé à propos du cinquième plan de mobilisation et de lutte contre toutes les violences faites aux femmes, il a ici restreint le champ de son propos aux seules « violences physiques et sexuelles », occultant, outre la violence institutionnelle que nous venons d’évoquer, toutes les formes de violence psychologique. Ce qui ne l’empêche aucunement de poursuivre en pérorant sur « les violences faites aux femmes » sans plus de précision :

« Eu égard à ce constat alarmant, il apparaît légitime que la lutte contre les violences faites aux femmes fasse l’objet d’une politique publique spécifique. Durant trop longtemps invisible, ce problème n’a pas été traité par les pouvoirs publics à la hauteur des enjeux qu’il recouvre. Au nom de l’universalité de ses valeurs, la France se doit donc d’être exemplaire dans cette lutte. »

Passons sur « l’universalité [des] valeurs [de] la France » au nom desquelles tant d’atrocités ont été commises depuis plus de deux siècles, mais pas sur l’argument spécieux de Jacques Toubon selon qui une « politique publique spécifique […] contre les violences faites aux femmes » serait « légitime » parce que « ce problème [aurait été] durant trop longtemps invisible ». Soit. Ce nonobstant, il apparaît que le problème des violences faites aux hommes est encore plus invisible, et qu’il mériterait donc encore davantage une « politique publique spécifique ». Ce d’autant que le Défenseur des droits n’en nie pas l’existence ; mieux, « en aucun cas [il] ne souhaite minimiser la question des violences dont les hommes peuvent faire l’objet » !

C’est pourtant bien à une minimisation de la question que se livre Jacques Toubon. Outre la restriction indue que nous avons soulignée plus haut, c’est en effet, si nous avons bien compris son raisonnement, parce que « les violences physiques et sexuelles concernent en grande majorité les femmes » qu’elles justifient une « politique publique spécifique », la supposée minorité masculine constituant un pourcentage de perte que notre société peut apparemment tolérer sans alarme. Dans un tel système de référence, les minorités (ethniques, politiques, religieuses, sexuelles et autres) ont bien du souci à se faire…

Enfin, il y a tout lieu de craindre que le Défenseur des droits se moque des victimes masculines de toutes les violences en affirmant tout uniment que « l’application du droit commun ainsi que l’appui des associations apportent une réponse à ces situations douloureuses ». Pourquoi ces mêmes « situations douloureuses » nécessitent-elles une « politique publique spécifique » lorsqu’elles sont vécues par des femmes ? Et quelles sont donc ces associations sur lesquelles les hommes pourraient s’appuyer ? La seule que nous connaissions, SOS Hommes Battus, a cessé son activité en septembre 2015.

Notes

1. On relira avec profit Iacub (Marcela), Le Bras (Hervé), « Homo mulieri lupus ? À propos d’une enquête sur les violences envers les femmes », Les Temps modernes, février 2003, nº 623, pp. 112-134.


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