République des magistrats contre république numérique

Union syndicale des magistrats

À l’occasion de la discussion d’un projet de décret portant application des dispositions de la loi nº 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique, la Direction des services judiciaires a souhaité consulter les organisations syndicales de magistrats sur l’article 21 de ladite loi, qui insère au sein du code de l’organisation judiciaire un article L111-13 ainsi rédigé :

« Sans préjudice des dispositions particulières qui régissent l’accès aux décisions de justice et leur publicité, les décisions rendues par les juridictions judiciaires sont mises à la disposition du public à titre gratuit dans le respect de la vie privée des personnes concernées.

« Cette mise à disposition du public est précédée d’une analyse du risque de ré-identification des personnes. »

L’Union syndicale des magistrats publie aujourd’hui ses observations, qui méritent une lecture attentive si l’on veut comprendre la mentalité bien particulière de ces super-citoyens au-dessus des lois…

L’Union syndicale des magistrats souhaite tout uniment que l’identité des magistrats et des greffiers soit systématiquement supprimée des décisions judiciaires mises à la disposition du public, au motif qu’existerait « un risque de ré-identification des parties à une procédure si le nom du ou des magistrats et greffiers est conservé ». Sans doute bien en peine de détailler ce risque et d’en donner la mesure, les successeurs de Dandin dévoilent ensuite leurs véritables craintes, qui valent d’être citées ici largement :

« Le maintien du nom du ou des juges [risque] de favoriser l’usage à des fins dilatoires de procédures de récusation et de favoriser des pratiques contraires aux principes d’un procès équitable :

  • « Le plaideur pourrait ainsi choisir son juge ;
  • « La critique des décisions par l’exercice des voies de recours juridictionnelles risque de céder le pas à la critique de la personne même du juge. L’utilisation de la voie médiatique ou des réseaux sociaux par exemple, pour mettre en cause le magistrat, risque de porter atteinte à la sérénité de la Justice. […]
  • « L’utilisation via des algorithmes des décisions judiciaires comprenant les noms des juges conduira à l’établissement de statistiques judiciaires nominatives et nécessairement faussées de nature à nuire gravement tant à l’objectif de valeur constitutionnelle précité qu’à la sérénité de la justice. Permettre l’exploitation de bases de données permettant d’identifier la jurisprudence dominante de chaque magistrat peut être particulièrement dangereux. Quel magnifique instrument pour identifier les juges qui ne rendent pas les décisions dans le sens souhaité par le Gouvernement en place […]. »

Les innombrables victimes du système judiciaire apprécieront la cerise sur le gâteau :

« L’USM s’insurge contre l’idée des défenseurs de la non anonymisation des décisions selon laquelle cette publicité serait un facteur de responsabilisation des juges. Les magistrats rendent, en conscience, des décisions motivées dans lesquelles ils appliquent les règles de droit aux cas particuliers. »

© D.R.


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