Pourquoi certains féministes font-ils « fausse route » ?

Jean Gabard (© D.R.)

Pourquoi leur idéologie perturbe-t-elle les hommes, les femmes et surtout l’éducation des enfants ?

Pourquoi est-il possible de critiquer leurs propos sans être ni « macho » ni « réactionnaire » !

Au XXIe siècle, des mentalités rétrogrades, survivances de la société patriarcale traditionnelle, semblent encore résister aux conquêtes sociales. Peu de personnes osent cependant s’opposer ouvertement aux revendications des féministes tant elles paraissent légitimes et synonymes de progrès. Mais le sont-elles toujours ?

Au XXIe siècle, qui peut raisonnablement contester le principe de l’égalité devant la loi entre les hommes et les femmes et la nécessité que les droits soient respectés ?

Qui peut dénier le besoin d’aller vers plus de parité dans les instances politiques et économiques ?

Qui peut s’opposer aux mesures visant à empêcher les violences conjugales, les discriminations à l’embauche et sur les salaires… ?

Qui peut douter du devoir de lutter contre les préjugés sexistes ?

Les féministes combattent à juste titre l’idéologie de la société patriarcale traditionnelle autoritaire et sexiste. Ils se sont battus pour la justice et luttent encore aujourd’hui pour qu’elle soit respectée. Ils ont fait et font encore ce que devraient faire tous les démocrates qu’ils soient hommes ou femmes.

Cela veut-il dire pour autant que tous les féministes ont toujours raison sur tout et que les critiquer équivaudrait à se placer du côté des « machos » et des « réactionnaires » ?

La guerre contre un système patriarcal dépassé mais tenace a été efficace. Elle a été menée par des féministes convaincus, combatifs et organisés. La cohésion indispensable s’est faite autour de slogans fédérateurs mais forcément simplistes et provocateurs. Comme dans toute « révolution », il a fallu exhiber le danger contre-révolutionnaire pour maintenir la mobilisation des militants et demander beaucoup pour espérer obtenir un peu. Ceci est toujours nécessaire pour maintenir la vigilance et l’ardeur des combattants, mais présente aussi des inconvénients…

Cette lutte peut en effet devenir, chez certains, une guerre des sexes où l’esprit de revanche n’est pas absent. Celle-ci a pu transformer la juste revendication de démocratie en affirmation et défense d’une idéologie figée qui contribue à développer ce qui est le plus néfaste à la réflexion et au progrès des idées : la pensée binaire ! C’est ainsi que tout critique du féminisme est rejeté comme un pestiféré, dans le camp du mal, avec les sexistes et les réactionnaires. Le projet progressiste est dénaturé au profit d’une idéologie bien-pensante où il devient interdit de se poser des questions.

Les égarements de certains féministes peuvent s’expliquer par leur réactivité passionnelle qui leur fait adopter comme Vérité le contraire des idées fausses dont ils peuvent démontrer brillamment le ridicule. Une de leurs principales erreurs, à l’origine de nombreuses autres, porte sur leur vision de la différence des sexes.

Aucune répartition des rôles sociaux n’est inscrite dès la naissance

Contrairement à ce qu’affirment certains féministes, par conviction ou parce que cela les arrange, le débat primordial sur la différence des sexes n’oppose pas uniquement les « naturalistes [1] » aux « constructivistes [2] ». Ainsi, ce n’est pas parce que les hommes de la société patriarcale ont voulu justifier à tort leur domination par une différence naturelle que celle-ci n’existe pas. Ce n’est pas non plus parce qu’ils se sont servis de l’éducation pour renforcer et maintenir leur pouvoir que les différences ne proviennent que d’une construction sociale sexiste. En effet, toute inégalité à l’âge adulte n’est pas forcément une injustice. C’est pourtant ce que font croire certains féministes.

Catherine Vidal, éminente neurobiologiste, démontre, s’il en était encore besoin, les erreurs de théories naturalistes. Grace aux nouvelles technologies, elle apporte des preuves concrètes et irréfutables. Elle n’est cependant plus du tout dans la rigueur scientifique lorsqu’elle en déduit que les différences ne peuvent s’expliquer que par une construction sociale sexiste puisqu’elle ne les a pas trouvées dans le cerveau à l’origine !

Françoise Héritier, brillante anthropologue, disciple de Lévi-Strauss, montre la mise en place de la domination masculine et les conséquences que celle-ci peut avoir sur l’éducation des garçons et des filles. Son analyse est tout aussi convaincante. Est-il cependant autorisé d’en conclure que cette suprématie des hommes et la construction sociale qui en découle sont en grande partie et à plus forte raison seules à l’origine de la différence des sexes ? S’il est aussi possible de reconnaître à l’étude de Françoise Héritier un caractère scientifique, il n’est cependant pas honnête de vouloir accorder la même rigueur à ces déductions. Celles-ci n’engagent que des féministes qui ont intérêt à faire de chaque différence une discrimination pour pouvoir justifier leur combat pour un droit à une égalité totale, utopique !

Catherine Vidal, Françoise Héritier et d’autres féministes ont tout à fait raison de remettre en cause les théories naturalistes qui voulaient justifier une inégalité en droits entre les hommes et les femmes. Ont-ils pour autant raison de dénier ces différences naturelles et leurs conséquences sur les comportements ? Peut-on par exemple aujourd’hui raisonnablement ignorer le rôle de l’ocytocine qui envahit la mère au moment de l’accouchement pour favoriser l’accordage avec son enfant ? Peut-on tout simplement douter qu’une femme puisse être influencée par un corps susceptible de féconder et de porter un bébé ? Peut-on dénier que celle qui a senti, fait vivre en elle et mis au monde l’enfant, a non seulement neuf mois d’avance sur le compagnon, mais aussi une approche différente ? Peut-on douter que la petite fille, du même sexe que sa maman, ait envie de l’imiter de même que le petit garçon ait besoin de montrer sa différence ?

On ne naît pas femme… mais on naît cependant petite fille !

« On ne naît pas femme, on le devient », mais on naît cependant petite fille ! Catherine Vidal, Françoise Héritier et certains féministes nous montrent que l’éducation peut entraîner des comportements particuliers et en déduisent que toutes les différences sont voulues et donc injustes.

Ces féministes, persuadés pourtant de la malléabilité de jeunes esprits, feignent d’oublier la structuration du psychisme dans les premiers mois de la vie. Le petit garçon et la petite fille ne perçoivent pas pareillement celle qui leur a donné la vie physique et qui représente leur référence première, leur premier « amour » : la petite fille continue de se référer à celle qui est du même sexe qu’elle alors que le petit garçon est obligé de renoncer à celle avec qui il voulait rester dans la fusion et doit regarder ailleurs. Pour supporter cette souffrance terrible, cette castration psychique primaire, il la refoule en se prouvant qu’il n’a jamais voulu être comme sa maman et qu’il a toutes les raisons d’être fier de son sexe. Ce petit garçon est ensuite tiraillé entre l’envie de fusionner avec sa maman, de goûter le plaisir de la communion, et le devoir de montrer sa différence, d’éviter le risque de vivre à nouveau la rupture. Comment alors ne pas imaginer que cette petite fille et ce petit garçon puissent se structurer différemment et que leur inconscient soit marqué à jamais ?

Cette différence de structuration ne dépend en rien de la culture de l’époque ou du pays, et n’est imposée ni par les hommes ni par les femmes. Elle découle du fait d’être de sexe différent, et ceci est la loi de la nature : l’impossibilité d’être « tout » !

Pendant des siècles, l’homme a infériorisé les caractères qui se remarquent le plus chez la femme. En les cultivant par une éducation sexiste et en les exagérant, l’homme s’est trouvé un prétexte pour dominer là où il n’y avait qu’altérité et besoin chez lui de refouler une castration psychique insupportable. Aujourd’hui, des idéologies féministes devenues majoritaires croient qu’il suffirait de supprimer toute construction sociale sexiste pour atteindre l’égalité. Elles se montrent en cela beaucoup plus « politiquement correctes », mais, comme l’idéologie sexiste des hommes, sont tout autant dans le refus d’assumer en adulte la différence inévitable.

Par égalitarisme, des idéologies féministes refusent de nommer « féminines » certaines qualités attribuées aux femmes, mais cependant, dans un renversement des valeurs, n’idéalisent que celles-ci, alors que les caractères dits « masculins » sont dénigrés. Ils apparaissent comme des défauts dont la mauvaise éducation de l’homme est rendue responsable. Ainsi, la fermeté, la rigueur, l’autorité, le goût de l’effort, la résistance à la frustration, dont les hommes dominants ont abusés, sont aujourd’hui rayées des méthodes éducatives (quand toute méthode n’apparaît pas déjà suspecte et trop contraignante), pour laisser place à l’improvisation, à la spontanéité et la compassion. Alors que ces caractéristiques ne peuvent être positives que si elles sont utilisées à bon escient, elles le deviennent simplement parce qu’elles sont le contraire de celles dites masculines et liées au « machisme ». L’homme se voit ainsi sommé de faire « un travail sur lui » pour acquérir ces vertus et atteindre, si ce n’est l’androgynat, le statut « d’homme nouveau » semblable à la femme.

Cette vision du monde influence nos comportements. Elle ne peut qu’entraîner le non respect de la différence. N’étant plus reconnue, celle-ci n’est plus prise en compte et n’est plus gérée. Elle devient, entre les hommes et les femmes, non pas une source d’enrichissement mais un sujet d’incompréhension et de conflits stériles ! Alors que pendant des siècles, les femmes étaient considérées comme « des hommes imparfaits [3] », c’est maintenant à l’homme de devoir se comporter comme une femme pour ne pas être considéré comme un attardé ou un malade. L’harmonie dans des rapports est préférée à l’altérité permettant la relation.

Ces dérives constituent ainsi un frein au « vivre ensemble ». Elles favorisent même un nouveau sexisme alors que leur but était de le bannir. Elles ont surtout de terribles retentissements dans la vie de famille et les enfants en sont les premières victimes.

Rejetant à juste titre les rôles traditionnels, ces idéologies confondent cependant l’égalité en droits et le droit à l’égalité. Revendiquant une égalité-identité impossible, elles créent la confusion chez des parents modernes qui peinent à se situer pour vivre en couple et éduquer les enfants. Avec ces derniers, en effet, les indispensables fonctions symboliques de père et de mère sont de plus en plus difficiles à jouer. Et les conséquences pernicieuses de cet égalitarisme forcené sont nombreuses. Nous en constatons malheureusement tous les jours les résultats avec la généralisation des enfants-rois sans limites, incapables de vivre en société et d’apprendre à l’école…

Notes
  1. Pour les naturalistes toutes les différences entre les hommes et les femmes s’expliquent par la nature.
  2. Pour les constructivistes toutes les différences sont construites par la société.
  3. Aristote.

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